Pérégrinations en Monde Inconnu 14 : Là où on lit dans les esprits

Auteur : SamiHuunter
Check : Mystix


Wassup ?
It’s your boy, Sami, back at it again with a brand new chapter !

Je sais ce que vous êtes en train de vous dire : « Oh mon dieu ! Un nouveau chapitre de PeMI ?! Mais, il est fou ! Mère ! Il est fou !! » et bah si, un nouveau chapitre, z’aviez qu’à pas m’embêter, na !
De toutes manières, le rythme de parution de PeMI est un mystère complet, même pour son auteur x)

Plus sérieusement, ce chapitre 14 était censé être beaucoup plus long, sauf qu’en écrivant, je me suis rendu compte qu’en fait, bah, c’était trop long. Et bien heureusement, la première partie était assez longue pour faire un chapitre à elle toute seule, alors la voici.

Alors oui, je sais, cette partie n’est pas super intéressante (en tout cas, ce qui vient après l’est bien plus selon moi), mais ne vous inquiétez pas, le chapitre 15 devrait pas tarder à voir le jour (il me reste la moitié à écrire, donc d’ici la semaine prochaine, vous devriez l’avoir).

Sur ce, bonne lecture !

Bien entendu, si vous avez des commentaires ou des revendications, n’hésitez pas à m’asperger de haine, beggars aren’t choosers.


Plongée dans ses pensées, Zoé fixait le ciel où quelques nuages étendaient paresseusement leurs tentacules cotonneux.

Elle était avec Lily sur le deuxième et dernier niveau de la muraille qui avait été récemment terminée. Sa meilleure amie s’était assise sur le rebord du chemin de ronde et faisait pendre ses jambes au-dessus des cinq mètres de vide qui les séparaient du sol.

Les deux filles ne pipaient mot.

Lily dessinait une nouvelle planche de son manga, sa langue pointait le bout de son nez entre ses dents, signe de son intense concentration.

Depuis le commencement de la construction du campement, elle n’avait eu de cesse de dessiner.

Chaque jour qui passait voyait la pile de ses œuvres augmenter toujours un peu plus. Elle possédait maintenant plusieurs centaines de feuilles qui contaient des histoires farfelues, impliquant toujours certains garçons de la classe qui étaient mis en scène de manière… extravagante.

Au grand étonnement de la créatrice, les autres filles étaient devenues des fans absolues de ses fictions. À chaque fois que Lily terminait un chapitre, elles s’organisaient pour savoir dans quel ordre chacune allait pouvoir le lire.

Malgré son succès et tout ce que l’auteure racontait qui pouvait faire croire qu’elle avait pris la grosse tête, Zoé savait que c’était le seul moyen que son amie avait trouvé pour ne pas perdre la boule et s’occuper dans cette situation extraordinaire – pas forcément dans le bon sens du terme -.

Pourtant, malgré l’originalité de ce passe-temps, il remplissait son rôle de libérateur de stress, pour elle autant que pour les autres, à tel point que c’était devenu l’un des sujets les plus discutés entre filles.

Elles avaient réussi l’exploit de garder tous les garçons dans l’ignorance, à l’exception de Nathan qui se doutait de ce dont elles parlaient avec autant d’excitation grâce à la bourde que Charlotte avait commise.

Zoé n’aurait avoué pour rien au monde que c’était elle qui trouvait les idées et que Lily n’était que les bras du groupe, se contentant de dessiner ce que la première imaginait. Contrairement à son amie artiste, la jeune femme n’assumait pas ses penchants singuliers, bien que ce soit grâce à eux qu’elles s’étaient liées d’amitié.

Avant l’incident qui les avait transportés de force ici, les filles de la classe étaient divisées en plusieurs groupes. Si l’adolescente ne s’était pas rapprochée de Lily, elle serait très certainement restée seule jusqu’à la fin de l’année à cause de son comportement asocial.

Mais maintenant qu’elles étaient ici, les mentalités avaient changé. Les histoires de Lily aidant, la solidarité féminine l’avait emporté sur les différents immatures qu’elles avaient pu avoir dans l’autre monde. Quand elles y repensaient, ils semblaient si risibles et futiles désormais.

Même si les personnes qui appartenaient au groupe spécial des « supports » n’avaient pas le même emploi du temps que leurs camarades ni les même contraintes, personne ne leur en ressentait pour ça.

À la différence de la majorité de la classe, les élèves qui possédaient des pouvoirs particuliers pouvaient vaquer à leurs occupations comme bon leur semblait. Généralement, ils passaient leur temps à mettre en pratique leurs facultés, allant jusqu’à passer des nuits blanches tellement ils étaient plongés dans leur monde.

William jouait constamment de sa flûte, au grand bonheur des travailleurs qui voyaient leur productivité augmenter. Il ne dormait même plus du tout, à moins que la mélodie qui les berçait la nuit ne soit jouée dans son sommeil.

Julie était toujours derrière les fourneaux, et maintenant que la cuisine avait été installée dans le bâtiment central, elle n’en sortait plus. La fumée qui s’échappait sans interruption des cheminées amenait perpétuellement des senteurs particulièrement alléchantes aux narines des adolescents.

Lily parvenait à produire un chapitre tous les deux ou trois jours tant elle dessinait.

Charlotte ne tombait jamais en panne d’indications à donner à ses élèves. Elle était également toujours disponible pour donner des conseils, remonter le moral d’un adolescent qui avait un coup de blues ou simplement pour faire la conversation.

Joseph croulait sous les demandes de mobiliers qui affluaient maintenant que les constructions étaient terminées. Assis sur son siège de travail, les copeaux de bois provenant de ses réalisations précédentes continuaient de s’amasser. Ils étaient utilisés pour nourrir le feu qui ronronnait sous les fours de Julie, mais malgré son appétit insatiable qui le faisait dévorer des kilos par jour, le charpentier-en-chef continuait de travailler, à moitié plongé dans les pelures de bois.

Andy était le seul support qui n’avait rien à faire. Certainement parce qu’il ne pouvait pas démontrer ses talents, il était entré en dépression. L’adolescent suivait William comme son ombre, les yeux fixés sur son marteau qu’il n’avait encore jamais eu l’opportunité d’utiliser.

Zoé, quand elle ne discutait pas des événements qui devaient se passer dans les prochains chapitres avec son associée, passait son temps plongé dans son livre magique.

Elle avait toujours été une fille timide et effacée.

Sa capacité à communiquer avec les autres était assez similaire à celle d’un castor enrhumé sujet à une crise psychotique, c’est-à-dire très faible.

Ce n’était même pas l’impossibilité de savoir si elle déplaisait à ses interlocuteurs ou qu’elle disait quelque chose de faux qui lui faisait peur, mais c’était le fait qu’elle ne sache pas ce qu’ils pouvaient bien penser qui l’avait rendu si introvertie.

Elle avait beau avoir développé un grand sens de l’observation et faisait rapidement des liens dans sa tête, si elle ne pouvait s’exprimer, à quoi bon cela servait ?

Maintenant qu’elle possédait le pouvoir de lire dans les pensées, elle n’éprouvait presque plus de difficulté à parler avec d’autres personnes, à quelques détails près. Son livre était comme une fenêtre sur les autres, lui permettant de savoir ce à quoi ils réfléchissaient, neutralisant complètement sa peur.

Malgré tout, ça n’avait pas été aussi simple au début.

Quand elle avait pris connaissance de son pouvoir, elle avait longuement repoussé le moment où il lui faudrait l’utiliser, raison pour laquelle elle n’en avait parlé qu’à Lily. Ses capacités étaient redoutables ; elle pouvait envahir l’intimité d’une personne et violer sa vie privée autant que bon lui semblait.

Durant les premiers jours, elle s’était persuadée que si elle révélait ses pouvoirs aux autres, ils risquaient de l’écarter du groupe, de la traiter comme une pestiférée. Selon elle, ç’aurait été un comportement rationnel.

Les pensées étaient les choses les plus personnelles d’un individu. Se savoir constamment épié physiquement était difficile à supporter, mais on pouvait finir par s’y habituer. Par contre, se dire que quelqu’un lisait dans sa tête et avait connaissance d’absolument toutes ses pensées, même celles complètement odieuses ou impures qu’on pouvait parfois avoir, était bien pire.

Après la mort tragique de Nolan, Tom avait commencé à recenser les pouvoirs magiques de chacun, afin de pouvoir s’organiser plus aisément et de réfléchir à des stratégies.

En apprenant cela, Zoé avait tellement stressé qu’elle n’avait rien mangé pendant un jour. Pour elle, à l’instant où tout le monde allait savoir de quoi elle était capable, ils allaient immédiatement la mettre de côté et l’éviter comme la peste. C’est les larmes aux yeux qu’elle s’était présentée devant la petite cabane prototype où le garçon avait élu domicile.

Pourtant, rien ne s’était passé comme elle l’avait imaginé.

Pour commencer, la réaction de Tom avait été faible, presque indifférente. Comme si son pouvoir n’était pas si extraordinaire que ça. Cette attitude l’avait rassurée et elle avait fini par expliquer tous les détails, malgré la résolution qu’elle avait en entrant d’en dire le moins possible.

Elle éclaircit différentes possibilités liées à son pouvoir, et quand elle expliqua sa capacité à lire dans les esprits de chacun grâce à un simple morceau de papier, Tom avait légèrement haussé les sourcils. En voyant la lueur un peu étrange qui s’était allumée dans ses yeux, son ventre se noua d’appréhension et ses craintes se révélèrent fondées quand il l’informa de ce qu’il comptait faire.

Le soir même, alors que tout le monde était assis en rond et attendait impatiemment leurs repas, Tom s’était mis à leur expliquer le pouvoir de Zoé avant de demander à chacun de venir chercher un petit bout de feuille.

Raide comme un piquet à cause de l’angoisse qui lui nouait le ventre, elle avait attendu le moment fatidique où la classe se mettrait à protester. Pourtant, personne n’émit la moindre objection. Ils avaient tous écouté les explications avec un air sérieux et s’étaient mis en rang dans le silence quand il avait fallu chercher le bout de feuille.

Ils l’avaient tous aimablement remerciée en récupérant leurs segments de pages respectifs mais parce qu’elle avait eu l’impression de les berner, Zoé avait fixé le bout de ses pieds, les joues en feu, jusqu’à ce que tout le monde soit en possession de ses fragments de pouvoir.

Durant son discours, Tom avait gardé sous silence les différentes capacités de la jeune femme associés à ces morceaux de papier. Il s’était exprimé en employant des termes qui pouvaient faire croire à leurs camarades qu’ils avaient la possibilité de se protéger d’une intrusion mentale, bien que ce n’était pas exactement vrai.

Le fait que le garçon ait omis certaines choses dans ses explications avait très certainement joué un rôle dans ce manque de réaction que ses camarades avaient eu. Elle savait que ces oublis étaient délibérés, certainement pour éviter que les autres se sentent monitorés, mais même si elle appréciait le geste, elle avait l’impression de les avoir dupés et cela la rendait malade. À tel point qu’elle était allée le voir pour le supplier de rectifier ses déclarations, même si cela la condamnait à la solitude.

La vérité était qu’elle pouvait lire les pensées de tous, même s’ils tentaient de se protéger de ses intrusions.

Un accord entre les deux entités facilitait la lecture et permettait à Zoé d’accéder à l’ensemble du processus mental qui amenait les idées. Quand une personne refusait de partager ses pensées, des défenses s’élevaient dans son esprit. Les pensées immédiates étaient lisibles, mais pour en savoir plus, il fallait se forcer un chemin à travers la barrière de cette personne, un processus douloureux qui manquait de discrétion.

Si quelqu’un découvrait le pot-aux-roses, elle n’allait pas avoir besoin de son livre pour savoir que tout le monde la détesterait. Ses parents que lui avaient inculqué que l’honnêteté était une valeur fondamentale dans la société, et garder secret quelque chose d’aussi important que ça entrait en conflit avec son éducation et résultait dans un malaise qu’elle ne parvenait à ignorer.

Une fois qu’elle réussit à passer outre sa timidité maladive et à déballer son sac à Tom, elle s’était effondrée en larme.

Devant sa réaction soudaine, Tom s’était figé un instant, histoire de s’assurer que ce n’était pas une simple crise passagère, puis après dix minutes de pleurs ininterrompus, il avait fini par s’asseoir à côté de sa camarade, adossée contre la porte de sa « maison ». Après de vaines tentatives maladroites de lui remonter le moral, il s’était mis à parler.

– Je comprends tes réticences, Zoé, mais parfois, on est obligé de faire des choses qui nous déplaisent pour parvenir à nos fins. Si tu ne veux pas t’introduire dans l’esprit des autres, contente-toi de sonder les pensées des gens qui ne t’empêche pas de le faire. On ne peut pas se permettre de se diviser, pas dans notre situation actuelle.

Il marqua une pause et en profita pour collecter les brindilles qui traînaient aux alentours puis il se mit à les empiler pour former une petite construction carrée. Tout en continuant à échafauder sa petite structure rudimentaire, il reprit son explication.

– Imagine que chacun de nous est représenté par une tige. Tant qu’on maintient une situation où tous s’entraident et où l’on se soutient les uns les autres, alors on a une chance de continuer à s’agrandir et à survivre. Par contre, si on enlève ne serait-ce qu’un tout petit élément, alors ça devient très rapidement le chaos.

D’un mouvement rapide, il extirpa une brindille du bas de l’assemblage et elle s’écroula en un instant.

– Tu comprends ce que j’essaie de te dire ? Peut-être que tu supportes un poids plus grand que les autres parce que tu fais partie des fondations, mais ça veut dire que si tu abandonnes ton fardeau, plus de gens seront entraînés avec lui. Ton pouvoir pourrait nous assurer qu’un élève disparu est en bonne santé ou nous aider à soigner quelqu’un incapable de s’exprimer. Ne donne pas aux autres une chance de perdre confiance en toi, parce que quoi que tu penses de toi-même, tu es un élément cruciale dans cette société réduite.

La jeune femme avait rapidement compris ce que le garçon en face d’elle essayait de lui expliquer et c’est le cœur plus léger qu’elle avait quitté la pièce, sa petite voix fluette lança un merci embarrassé avant qu’elle ne s’en aille rejoindre son amie.

Depuis cet épisode, Zoé n’éprouvait presque plus de scrupules à utiliser ses pouvoirs. Elle avait rapidement appris à reconnaître les schémas de pensées de chacun ainsi que ce qu’elle appelait les « différents états cérébraux ». C’était les dispositions qu’un cerveau pouvait adopter par rapport à son pouvoir.

Certains étaient constamment ouverts, comme celui de Tom tandis que d’autres préféraient garder leurs barrières à tous moments, comme Jack. D’autres encore semblaient oublier qu’elle pouvait lire leurs pensées et partageaient involontairement avec elle ce qui leur passait par la tête, notamment leurs fantasmes érotiques, comme Elias ou Jules.

Dans ce dernier cas, elle s’empressait de changer de page, mais le peu qu’elle apercevait était en général suffisant pour qu’elle ait du mal à regarder les propriétaires de ces fantaisies dans les yeux sans ressentir de l’embarras et rougir, au grand désarroi des garçons qui ne comprenaient pas ses réactions.

Lily laissait libre son amie de fureter dans son esprit, mais Zoé la connaissait tellement bien qu’elle n’avait pas besoin de son livre pour deviner ses pensées.

Malgré tout, elle ne partageait jamais ce qu’elle entendait avec personne, sauf parfois avec Tom quand elle l’estimait nécessaire.

Comme pour un médecin, elle se sentait dans l’obligation de respecter un certain secret professionnel. Il n’y avait aucun accord écrit entre elle et les autres élèves, mais elle estimait plus que normal de garder pour elle les secrets qu’elle pouvait parfois lire dans les esprits de ses camarades.

Tom avait approuvé cette résolution, lui conseillant tout de même de se faire représentante de la justice quand elle le jugeait bon.

Une occasion s’était présentée à elle peu après le départ de Tom et du groupe d’exploration : Les garçons avaient percé des trous dans la barrière des bains pour se rincer l’œil durant le bain des filles.

Quand les filles s’en étaient aperçues, elle avait immédiatement repéré les coupables, mais elle avait préféré attendre de voir le verdict que les filles allaient donner avant de les désigner.

Au final, toutes avaient unanimement jugés coupable Jules et Chris.

Malgré le fait que le choix avait été fait d’après leurs impressions biaisées des deux fauteurs de troubles, elles n’étaient pas tombées loin.

C’était bel et bien Chris et Jules qui avait troué la palissade, mais c’était Elias le cerveau de l’opération. Elle avait également gardé pour elle le fait que plus des trois quarts des garçons en avaient profité à tour de rôle. C’était le genre d’informations qui risquait d’envenimer les relations entre les élèves.

Comme châtiment, les deux garçons étaient devenus les responsables de l’entretien des toilettes. Les filles auraient pu arrêter la punition à ça, mais elles leur avaient interdits de s’approcher des bains, et pendant une semaine ils furent forcés de manger les plats que Julie préparait pour eux. Des plats dont l’odeur suffisait à elle seule à faire fuir les animaux qui accompagnaient William.

Trois jours durant, les autres garçons n’avaient osé leur adresser la parole, de peur de subir le courroux des filles.

Et pourtant, grâce à son pouvoir, elle savait que les deux compères ne regrettaient rien.

Ils avaient beau essayer de garder leurs pensées secrètes, quand elle feuilletait son livre, elle voyait presque systématiquement à leurs pages les images qu’ils avaient glanées durant leur méfait.

La seule personne qui ne cherchait jamais à cacher ses pensées était Tom.

Bien que son esprit soit constamment disponible, lire ses pensées et les comprendre étaient deux choses complètement différentes. Parce qu’elle avait un grand nombre de sujets d’étude à sa disposition, elle s’était rapidement rendu compte que le « génie » était singulièrement différent des autres.

Plonger dans la tête de Tom, c’était comme regarder plusieurs films qui défilaient à très hautes vitesses, dans un mélange de plusieurs langues et qui s’entrecroisaient constamment, forçant le spectateur à comprendre chaque portion individuellement pour appréhender l’ensemble.

Bien qu’elle n’ait pas une âme d’artiste, voir un tel désordre si harmonieux et parfaitement organisé faisait son effet sur Zoé.

Sans s’en rendre compte, la jeune femme s’était mise à regarder la page où s’inscrivaient les pensées de Tom plusieurs heures d’affilés sans jamais s’ennuyer.

Captivée, elle observait avec émerveillement ses pensées se former, des schémas illustrer des idées, des images aussi nettes que des photos soutenir des concepts qu’elle s’essayait à deviner, souvent sans succès.

Au bout d’une semaine d’utilisation intensive de son pouvoir, quelque chose d’étrange avait commencé à se produire.

Par moment, elle entendait un murmure avec plus ou moins d’intensité.

Au fil des jours, le chuchotis enfla et se fit de plus en plus net. La voix, précédemment lointaine et à la limite de l’inaudible, se fit plus perceptible et Zoé réussit à déterminer que c’était plusieurs voix qui parlaient toutes en même temps et de manière inintelligible.

Bien qu’elle ait d’abord cru que quelqu’un lui jouait un tour, elle n’avait pas tardé à comprendre que les voix lui parlaient dans sa tête, chose qui l’avait grandement troublée. La possibilité qu’elle devienne folle la tourmenta et elle se refusa à s’approcher de Tom de peur qu’il puisse lui confirmer sa théorie.

Après un jour passé à se tenir le plus loin possible de l’adolescent, elle avait cru qu’elle avait tout imaginé puisque la voix ne s’était plus manifestée, mais quand elle s’était approchée de Tom pour lui faire part de son expérience, les voix avaient repris de plus belle.

C’est à ce moment qu’elle saisit de quoi tout cela en retournait.

À force de toujours lire les pensées de la même personne, en l’occurrence Tom, elle avait développé la capacité d’entendre ses pensées sans même utiliser son livre.

Ce n’était pas une voix claire et nette qui s’exprimait de manière compréhensible, mais plutôt un nombre incalculable de voix qui parlaient toutes en même temps, créant un brouhaha indéchiffrable. Quelque chose lui disait que sa difficulté à comprendre la totalité des pensées était due à son sujet d’expérience et non à son pouvoir.

Plus elle prêtait attention à ce qui résonnait dans sa tête, plus cela devenait facile pour elle de séparer le méli-mélo de voix et de comprendre le sens de certains propos.

À la fin de son entraînement acharné, elle était capable de capter les pensées de Tom quand il était à l’autre bout du campement et d’isoler jusqu’à trois voix différentes.

Avant son départ, l’adolescent avait été extrêmement occupé à retranscrire un maximum de connaissance sur leur monde d’origine et quand il avait besoin de reposer ses mains qui ne s’arrêtaient pas de gratter les planches de bois, il allait parfois trouver Zoé et lui demandait d’utiliser son pouvoir sur lui-même.

Il passait alors plusieurs minutes à essayer de déchiffrer ses propres pensées qui s’affichaient dans un langage mystérieux et constamment changeant.

Une fois, après une séance de décryptage infructueuse, Zoé ignora sa timidité et parvint à prononcer la question qui lui brûlait les lèvres :

– Tu ne t’ennuis pas à toujours réfléchir pour n’obtenir aucun résultat ?

Tom avait alors souri.

Son expression allègre était tellement authentique que son interlocutrice prit un moment pour reprendre ses esprits. Il faut dire que c’était quelque chose qu’elle n’avait encore jamais vu sur son visage délicat. Le garçon androgyne avait fini par répondre en riant :

– Ce n’est pas le fait de réussir qui amuse quelqu’un dans un casse-tête, mais c’est sa résolution qui provoque l’amusement. Jusqu’à maintenant, je n’avais jamais trouvé de casse-tête impossible et je trouve que c’est assez rafraichissant de déconnecter son cerveau pendant quelque minutes.

D’après ce qui s’affichait sur son livre quand il essayait de traduire la langue, Zoé comprenait que le garçon avait une définition de « déconnecter son cerveau » différente des autres.

Son cerveau fonctionnait tellement différemment et de manière si performante que c’était à se demander s’il avait la même constitution que celui de ses camarades.

Puis était venu le moment du départ. Zoé était présente ce matin-là. Elle avait fixé les silhouettes disparaître dans les ténèbres de la forêt, et rapidement, le murmure familier auquel elle s’était habituée s’était affaibli avant de se taire pour la première fois en plusieurs jours. Un mauvais pressentiment avait alors noué son ventre, mais elle était restée silencieuse.

Durant toute la durée du voyage, le génie avait gardé son flot de pensées constamment ouvert. Il faisait très souvent des rapports de leurs activités, se forçant à se répéter les informations qu’il voulait transmettre en boucle pour donner une chance à Zoé de les comprendre.

Quand il avait expliqué qu’il prenait le chemin du retour, accompagné d’une humaine qui venait de ce monde et de quatre gobelins – il les appelait Girothanis, mais pour Zoé, c’était définitivement des gobelins – ses camarades à qui elle annonça la nouvelle sautèrent de joie.

Elle s’était retenue de donner le message complet de Tom qui ajoutait, après avoir délivré les informations principales, que se réjouir ne servait à rien car cela ne voulait pas dire qu’ils allaient forcément trouver le moyen de rentrer à la maison.

Après cela, deux jours étaient passés sans qu’aucun événement notable n’interrompt le quotidien des adolescents au camp.

Maintenant qu’elle avait pris l’habitude d’entendre les pensées de Tom tout en les lisant sur son livre, ne plus entendre sa voix familière résonnait dans sa tête rendait la lecture fade et sans saveur.

À cause de ça, Zoé avait commencé à glisser lentement en dépression.

Parce que la fascination qu’elle ressentait en lisant les pensées de Tom était insipide comparée à ce qu’elle ressentait d’habitude, elle avait décidé de cesser de se concentrer sur le garçon pour ne pas se sentir démoraliser et de s’intéresser aux autres. Pourtant, elle avait l’impression que plus personne ne laissait son esprit lisible et que ceux qui lui permettait occasionnellement de le lire avaient des pensées trop simples pour être intéressantes.

Elle se rendait compte que l’esprit de Tom était comme la meilleure nourriture qui soit. Une fois qu’on y avait goûté et qu’on y avait pris goût, n’importe quel festin avait l’air fade à côté.

Un vide avait commencé à se créer chez la télépathe, et à mesure que les jours passaient, il devenait un peu plus important, avalant avec avidité la joie de vivre de la jeune femme.

La voix de Lily la sortit de ses sombres pensées.

– Hé, Z, tu penses que ce devrait être plutôt Chris x Jules ou l’inverse ? Parce que je verrais bien Jules se faire « punir » par Chris pour toujours jouer de mauvaises blagues sur des filles.

Zoé détourna les yeux du magnifique ciel bleu et s’éloigna du garde-fou rustique pour venir s’asseoir à côté de son amie. Elle avait déjà réfléchi à ce qui allait se passer dans les prochains chapitres et maintenant que la dessinatrice avait bien avancé, il était temps de révéler les événements futurs de leur histoire.

C’était Lily qui refusait de connaître à l’avance ce qui allait se passait. Pour elle, c’était plus amusant de découvrir ce qui attendait les personnages en même temps qu’eux.

Son amie comprenait cela et gardait sous silence ce qu’elle prévoyait jusqu’au dernier moment.

– Non. Le chapitre commencera avec Chris qui surprend Elias et qui décide de le faire chanter parce qu’il a besoin de se défouler sur quelqu’un après ce que Jules lui a fait subir. Il attache sa victime mais Jules rentre alors que Chris joue avec Elias. Furieux, il décide de se venger en étant violent avec les deux, l’un pour le punir de sa trahison et l’autre parce que Jules le considère responsable pour ce qu’il lui arrivé.

– Je vois, répondit Lily en branlant lentement du chef, mais dans ce cas-là, ce serait pas plus logique qu’Elias se libère et se venge ensuite sur les deux autres ?

Zoé secoua énergétiquement la tête.

– Impossible, Elias est tiraillé par ses émotions contradictoires envers Margaux et Mason. Jamais il ne pourrait entreprendre de telles actions. Il est fixé dans un rôle passif tant qu’il ne parviendra pas à exprimer ses émotions…

Alors qu’elle terminait son explication, un cri déchira le calme environnant.

Plus qu’un simple cri, c’était l’expression d’une douleur intense, comme si la souffrance même s’exprimait à travers un hurlement. Différentes voix se mêlaient et c’est avec harmonie qu’elles émettaient toutes la note universelle dont l’un des noms était supplice.

Pendant ce qui lui sembla une éternité, le cri s’étira sans faiblir, vibrant avec force dans le cerveau de la jeune fille et déversant dans son cœur la sensation qui l’avait fait naître. Il finit par s’éteindre et la tranquillité du camp revint, comme si rien ne s’était passé.

Le visage de Zoé était devenu blême et elle fit trois pas chancelant vers l’arrière avant que le garde-fou ne l’empêche de tomber dans le vide. De grosses larmes roulaient sur son visage.

Ce n’était pas la douleur lancinante qui provenait de son bras droit qui la faisait pleurer, mais c’était à cause de l’horrible pressentiment qui l’avait étreint de ses bras glacés avec tellement de force qu’il l’empêchait de respirer.

Elle reconnaissait cette voix.

Elle l’avait tant entendue qu’elle aurait pu la reconnaître à cent mètres de distance au milieu d’une foule.

Et elle avait compris que quelque chose était arrivé au propriétaire de cette voix.

Tremblante, elle tendit ses mains devant elle et activa son pouvoir. Toutes ses forces ayant quitté son corps, elle ne parvint à retenir le livre qui apparut. Il tomba au sol en produisant un bruit sourd, mais Lily ne se retourna pas, trop concentrée sur ses dessins et ignorante de ce qui se passait derrière elle.

Zoé ne chercha même pas à le ramasser. Elle s’accroupit et mit sa main sur l’épaisse couverture en cuir. Son cœur battait tellement fort qu’elle le sentait sur le point d’exploser. Il lui fallut rassembler tout son courage pour réussir à ouvrir son livre.

À mesure qu’elle tournait les pages, son bras s’alourdissait à l’instar de son cœur. Quand elle arriva à la page précédent celle où les pensées de Tom s’inscrivaient, elle s’immobilisa.

Et si rien ne s’affiche ?

Parmi les milliers de questions inquiétantes qui se bousculaient dans son esprit, c’est celle qui la terrifiait le plus.

Zoé prit une grande inspiration, puis d’un mouvement sec, changea de page, la déchirant presque tant elle y mit de force.

En voyant la page remplie de phrases qui se transformaient plus rapidement qu’à l’accoutumé, le soulagement que la jeune fille venait de ressentir fut presque suffisant pour qu’elle s’évanouisse.

Un soupir s’échappa, évacuant les émotions négatives qui s’étaient accumulées en si peu de temps en même temps que la tension qui l’avait raidie. Puis, elle se remit à observer son livre magique.

Le fait de savoir Tom vivant était une bonne nouvelle, mais elle ne savait pas pourquoi elle l’avait entendu alors qu’il devait être à une bonne distance du campement.

Il avait très certainement été grièvement blessé. Était-il possible que la douleur qu’il avait éprouvée était telle qu’elle avait ravivé le lien entre lui et elle que la distance avait interrompu ?

Si son hypothèse se révélait correct, alors Zoé n’osait imaginer ce qu’elle aurait entendu et ressenti si elle s’était trouvée à côté de lui.

Elle n’avait plus mal, mais quand le cri avait résonné dans sa tête, elle avait senti les sensations que le garçon avait éprouvées à ce moment-là. Si la distance avait atténué la transmission de ces informations tactiles et auditives, alors elle aurait certainement perdu connaissance si la souffrance communiquée n’avait pas été réduite.

En fixant le livre, elle se rendit compte que même si elle n’entendait plus les cris de souffrances du garçon, cela ne voulait pas dire qu’il n’avait plus mal.

À intervalle régulier, des milliers de mots et phrases apparaissaient brièvement avant de disparaître, tellement nombreux qu’ils remplissaient complètement la page et couvraient les pensées encore cohérentes, rendant la feuille complètement noire l’espace d’un instant.

Le phénomène rappela à Zoé les battements d’un cœur. Chaque contraction amenait son flot de lettres avant que les pensées parasites ne s’estompent. Elles revenaient quand une nouvelle contraction projetait une giclée d’encre et le cycle recommençait encore et encore.

Détachant enfin les yeux des pensées de Tom brouillées par la douleur, elle tourna rapidement les pages et s’assura que les cinq adolescents qui accompagnaient le blessé allaient bien. Heureusement, ceux-ci semblaient en pleine santé.

Dans la panique, ils avaient complètement oublié d’empêcher la télépathe de jeter un coup d’œil dans leurs esprits. Ils étaient en train de décider quoi faire pour la suite, mais l’esprit de Zoé s’en était désintéressé et réfléchissait à ce qu’elle devait faire, elle.

Au bout de quelque secondes de réflexion intense, son esprit embrouillé par l’inquiétude finit par lui fournir des directives.

Il faut que je prévienne les autres. Nathan ne va pas aimer ça, mais si je lui cache, ça sera encore pire quand ils reviendront.

Zoé se releva, retrouvant enfin ses forces. Elle essuya les larmes qui avaient inondé son visage. Voyant son amie toujours plongée dans son monde artistique, elle se mordit la lèvre inférieure.

Elle ressentait le besoin de lui parler, de se confier, mais en même temps, l’inquiéter avec quelque chose que personne ne pouvait présentement modifier semblait être de mauvais goût.

Sans qu’elle ne s’en rende compte, la manière de pensée de Tom avait déteint sur elle et c’est ce qui la poussait à mentir à son amie au lieu d’avouer la vérité.

– Je reviens tout de suite, je vais aux toilettes.

La dessinatrice hocha la tête sans même quitter des yeux son travail. Zoé lui tourna le dos et commença à descendre l’escalier.

Un nouveau cri s’éleva, plus distant cette fois-ci, et à nouveau, le cœur de la télépathe se serra dans sa poitrine.

Pourtant, il y avait quelque chose de différent dans ce cri-là.

La voix de Lily l’empêcha de développer sa pensée.

– Qu’est-ce que c’était que ça ?
– Hein ?

Avec des yeux ronds, Zoé dévisagea sa meilleure amie en se demandant comment elle avait fait pour entendre une voix qui résonnait dans sa tête.

Un second cri retentit, plus proche cette fois-ci, et Zoé comprit enfin qu’à la différence des suppliques de Tom, ceux-là étaient parfaitement réels.

Les deux filles se regardèrent droit dans les yeux tandis que plus bas, dans le campement, une clameur commençait à prendre de l’ampleur. Quand un troisième hurlement se fit entendre, les adolescentes dévalèrent les marches et se précipitèrent vers l’attroupement qui s’était formé non loin de la porte principale.

Lily tira sur l’épaule du premier élève venu pour demander des explications :

– Luke, tu sais ce qu’il s’est passé ?
– C’est Sarah, elle s’est mise à crier. Apparemment quelque chose l’a piqué, ça a l’air grave…

Le garçon avait une expression inquiète et il parlait tout en se mordillant nerveusement l’ongle du pouce.

Quelque chose qui arrivait à l’un d’entre eux était quelque chose qui provoquait une vague d’anxiété. Pas seulement parce que leurs communauté était assez soudée, mais surtout parce qu’ils avaient compris que la mort était quelque chose qui pouvait quémander son dû à tout moment et pour n’importe quelle raison.

Tous les élèves firent place quand Nathan et Amélie arrivèrent en courant.

La soigneuse s’agenouilla aux côtés de l’adolescente qui se tordait de douleur au sol et se mit à réciter une incantation.

Dans un silence de mort, tous regardèrent la nouvelle venue invoquer sa magie qui avait fait des merveilles sur les différentes blessures que chacun avait pu recevoir. Pourtant, le soin magique ne diminua pas le volume du mollet enflé de l’adolescente. Sarah continuait de gémir, allongée sur le sol.

Celui qui avait pris la responsabilité du chef de la classe demanda à deux garçons de l’aider à ramener la fille à l’infirmerie.

Avec des gestes prudents, ils soulevèrent Sarah et se dirigèrent vers les petites constructions en bois.

Zoé regarda le cortège s’en aller, le ventre noué par l’angoisse.

C’est vraiment le pire moment pour leur annoncer que Tom a été blessé. Je vais attendre que les choses se calment pour leur dire.

Zoé n’allait pas bien.

Cela faisait deux jours que la jeune femme se rongeait les sangs en se demandant si oui ou non elle devait partager son secret avec le reste de la classe.

Sous ses yeux noisette, de larges cernes s’étaient creusées à cause du manque de sommeil que son inquiétude avait causé. Sa peau couleur café avait perdu son éclat sain du jour au lendemain à cause de sa cachoterie. Pour réduire son stress, elle nouait sa tresse puis relâchait ses longs cheveux noirs de jais avant de les tresser à nouveau.

L’état de Sarah avait empiré.

Ce qui semblait être une simple piqûre d’insecte particulièrement douloureuse s’était maintenant transformée en horrible plaie suppurante.

La jeune femme avait commencé à avoir de la fièvre la veille, mais elle avait empiré ce matin.

Amélie, qui s’occupait de la blessée, était dans tous ses états. Toutes ses tentatives de soins s’étaient soldées par un échec, et elle craignait de devoir assister à la lente agonie d’une de ses camarades sans pouvoir y faire quoique ce soit.

À l’aide de Joseph, qui connaissait par cœur les références des tablettes de Tom, Amélie avait récupéré toutes celles qui avaient comme thème commun la médecine.

Bien qu’elles fussent remplies d’informations sur absolument tous les domaines médicales, Amélie avait l’impression que tout ce qui se trouvait inscrit n’était que des bases simples, inutilisables tel quel. Comme pour des exercices de mathématiques, il fallait raisonner pour obtenir les résultats.

Sauf que là, la partie raisonnement était si importante que ça ressemblait plus à une dissertation de philosophie, agrémentée de quelques indices quant aux développements principaux qu’il fallait suivre.

Même si une tablette listait différents symptômes ainsi que leur raison probable de manifestation ainsi que différentes maladies communes, cela ne servait à rien tant les explications étaient remplies de mots inconnus.

En désespoir de cause, Joseph avait gravé une nouvelle tablette et l’avait fait passer aux autres en leur demandant d’écrire les informations qu’ils savaient sur les termes qu’ils connaissaient.

Quand Zoé l’eut entre les mains, elle comprit que c’était peine perdue.

Antipyrétique ? Antiagrégant plaquettaire ? Prostaglandines ? Mais qu’est-ce que ça veut bien pouvoir dire ? Je connais l’acide acétylsalicylique, c’est l’aspirine, mais y’a pas grand-chose d’autre que je reconnais. Il aurait pas pu simplement écrire quoi faire ? On est pas des docteurs en chimie nous !

La plupart des autres élèves étaient dans la même situation que la télépathe.

C’était comme avoir entre les mains une page provenant d’une encyclopédie, expliquant de manière assez simple un concept, mais utilisant des références à d’autres pages. Ce qui transformait la supposée compréhension en vague devinette. En l’occurrence, la devinette mettait en jeu la vie d’une adolescente.

Les expériences qu’Amélie menait servaient surtout à calmer la conscience de la jeune femme. Elle avait beau s’y connaitre un peu en biochimie grâce à son père, ce n’était pas à un niveau qui lui permettait de faire quoi que ce soit. Tom aurait peut-être été capable de créer une potion miraculeuse, mais il n’était pas là pour le moment.

Charlotte faisait le pied de grue devant l’infirmerie, la petite construction à côté de la chambre de Tom qui avait été aménagée pour économiser de la place dans le bâtiment central. La professeure était, comme à son habitude, la plus touchée par l’événement. La perte de deux de ses élèves avait été un coup très dur pour elle, alors si à nouveau, un enfant trouvait la mort, elle ne se le pardonnerait jamais.

Poussée à bout par son comportement, Amélie avait été forcée d’interdire l’accès à l’infirmerie à sa prof tant son anxiété était contagieuse et nuisible. Il était impossible pour la soigneuse de se concentrer sur ses expériences quand quelqu’un faisait les cent-pas derrière soi ou qu’on passait son temps à demander des nouvelles de l’avancement des tests.

Zoé avait apporté son aide quand il fallut déterminer ce qui s’était passé.

Durant l’interrogatoire qu’elle avait été obligée de faire subir à sa camarade souffrante, la télépathe avait réussi à soutirer quelques informations importantes des réponses laborieuses que Sarah était parvenues à lui offrir.

Elle avait aperçu l’insecte qui l’avait piqué, un mélange étrange entre un scarabée et une araignée, pas plus grand qu’un pouce, mais personne n’avait jamais aperçu cette chose.

Quand elle finit de poser des questions, Zoé s’était retournée vers Amélie pour lui apprendre la vérité sur la situation du groupe d’exploration, mais la réaction que la jeune femme avait eue mit sa détermination à rude épreuve.

En n’apprenant rien qui ne puisse être utile pour la soigner, Amélie s’était mise dans une colère noire.

Comme si toutes les émotions qu’elle avait gardées en elle depuis leur arrivée ici se libéraient enfin, avec un cri qui exprimait à la fois sa rage et son impuissance, elle avait saisi les affaires qui traînaient sur le bureau et les avait jetées à terre, éparpillant les tablettes de bois aux alentours. Quand le bureau fut complètement vidé, elle se tourna vers le mobilier et se mit à le balancer contre les murs.

Une fois la pièce dévastée, la soigneuse redevint la jeune femme qu’elle avait toujours été et s’était assise au milieu du capharnaüm qu’elle venait de créer.  Elle s’effondra en larmes et avait faiblement murmuré quelque chose que les oreilles de Zoé avaient capté :

– Pourquoi est-ce que cet abruti n’est pas là quand on a besoin de lui ?!

Zoé avait quitté la pièce en serrant les poings.

Après cela, elle n’eut plus d’occasion d’avouer la vérité.

Son livre indiquait que Tom était encore en vie, et cela lui suffisait. En deux jours, son état n’avait pas empiré, mais il ne s’était pas non plus amélioré. La page qui transcrivait ses pensées se peignait encore en noir à chaque battement, mais il avait l’air de s’en être accommodé.

Pourtant, elle ignorait encore si le groupe d’exploration allait encore tarder à rentrer au campement. Il y avait bien un décompte qui diminuait progressivement dans un coin de la page, mais elle doutait que c’était le temps qu’ils leur restaient avant de revenir. Quand bien même Tom était un génie, il était impossible de calculer une durée de voyage quand on souffrait le martyr et qu’on passait le plus clair de son temps dans l’inconscience.

Une réponse à cette question lui vint quand les soleils se couchaient derrière la haute cime des arbres, laissant derrière eux les trois lunes, qui étaient devenues familières, veiller sur ce qui prévoyait d’être une troisième nuit passée dans l’angoisse.

Assise à côté de William, Zoé nouait sa tresse pour la millième fois de la journée quand dans le lourd silence qui planait sur le campement, un murmure lui parvint aux oreilles.

La télépathe s’était levée d’un bond. Ignorant les regards que ses camarades autour d’elle lui jetèrent, elle avait tendu l’oreille. Le murmure se faisait de plus en plus intense.

Elle avait reconnu la voix dès qu’elle l’avait entendue, mais elle voulait s’assurer que ce n’était pas le fruit de son imagination.

Maintenant persuadée que leurs camarades étaient de retour, elle se précipita dans l’infirmerie et réveilla Amélie qui grappillait quelques heures de sommeil, adossée à un mur. La secouer n’était peut-être pas la manière la plus agréable de réveiller quelqu’un, mais c’était certainement efficace.

La soigneuse ouvrit ses grands yeux noisettes en sursaut et dévisagea Zoé avec un air confus.

– Ils arrivent ! Anthon, Tom et les autres sont de retour !

Puis, elle baissa les yeux. Elle prononça la suite d’une voix bien plus faible, le cœur lourd :

– Je suis désolée de ne le dire que maintenant, mais quelque chose s’est passé…

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15 commentaires sur “Pérégrinations en Monde Inconnu 14 : Là où on lit dans les esprits

  1. Est ce que Sarah etait un personnage un minimum important ?
    Parceque je n’ai aucun souvenir d’elle. Bon, avec l’ecart entre ma lecture des premiers chapitres et maintenant, c’est peut etre normal, mais je demande quand même
    Merci pour le chapitre

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    1. C’est un personne pas très important qui a été brièvement mentionné dans le chapitre 3 ou 4 je crois, (c’est une manieuse de dague à la peau mate, aux cheveux noirs et aux vert si mes souvenirs sont bons x))
      Et le problème avec PeMI, c’est que je pourrais pas présenter les personnes dans le récit très brièvement, j’ai envie de les développer un peu quand même, et pour l’instant, il n’y en a que très peu par rapport au 31 élèves qui constituent la classe.
      Comme je ne pouvais pas me permettre de mettre un personnage central dans cette situation, j’ai choisi un personnage secondaire x)

      Je pense faire peut-être quelques side story pour développer les personnages secondaires, merci de me le rappeler XD

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  2. Super chapitre. Par contre Tom n’as pas été super pédagogique sur ses tablettes, j’ai un master en chimie et je n’ai compris que 2 termes sur trois (l’anti fièvre et l’anti coagulant) par contre j’ai découvert la ou plutôt les prostaglandines (elles sont impliqué dans le mécanisme d’actions des anti-inflammatoires non stéroïdiens si j’ai bien compris l’article de wikipédia). Donc oui, sans doctorat en chimie ces tablettes sont inutiles.

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