Pérégrinations en Monde Inconnu 17 : Là où l’on enquête

Hotor : SamiHuunter
Checkchouk : Passage


Wassup, it’s ya boi… uh… skinny penis !

Et voici le chapitre 17 ! Yeay ! À l’heure où j’écris ces lignes, j’en suis même pas à 10% du 18, donc il n’est pas certain que vous l’ayez avant le premier Août :/

Et vous pouvez dire merci à Passage, le pauvre, il s’est donné du mal pour tout check et a réussi à le terminer en avance !

Ce chapitre est un peu plus long que le précédent, mais en vrai, c’est un peu de la triche puisque vous devriez être familier avec la première partie x)

Sur ce, bonne lecture o/

PS : N’hésistez pas à me donner votre avis sur le chapitre. Avoir un retour, même négatif, c’est toujours utile pour un auteur, aussi merdique soit-il x’)


William voulait devenir musicien.

Pas juste devenir professionnel, non, pour lui, c’était voir trop petit.

Quand il disait « musicien », il se représentait un idéal qu’il avait peaufiné dans sa tête pendant plusieurs années : Un genre de super-artiste, capable de jouer n’importe quel instrument avec toujours la même aisance, possédant une culture musicale à faire pâlir d’envie les disquaires, quelqu’un qui pouvait transmettre à son public autant d’émotion qu’il le souhait en ne jouant qu’une seule note, composer avec autant d’aisance des symphonies ou des comptines pour enfants…

C’était ça, l’objectif qu’il s’était fixé.

Son père était un romancier de renommé mondiale, et sa mère PDG d’une maison d’édition et ancienne chanteuse d’opéra, ils comprenaient sans mal que leur enfant veuille entrer dans le monde de l’art, ils y étaient habitué même.

Augustus, de six ans l’aîné de Will, était un peintre qui faisait parler de lui. Les critiques ne lésinaient pas sur les compliments, n’hésitant pas à l’appeler « le nouveau Picasso », « la pointe de flèche d’un nouveau mouvement artistique qui semble aussi sophistiqué que primitif » ou encore « un génie comme on n’en voit que tous les cents ans ! ». Son grand frère en riait, les qualifiant de « niaiseries », mais cela n’empêchait pas William de l’admirer.

Clémence, sa grande sœur qui avait trois ans de plus que Will, avait décidé d’abandonner sa première année d’architecture en annonçant : « C’est nul, je pensais que l’architecture était une forme d’art, mais l’art ne doit souffrir d’aucune contrainte ! ». Ses parents ne partageaient pas avec elle son avis très arrêté sur la question et voyait d’un mauvais œil qu’elle veuille abandonner ses études après les avoir tant tannés pour y accéder. Ils réussirent à la convaincre de continuer encore un peu, le temps de connaître réellement le métier, mais en même temps qu’elle suivait ses cours, elle se mit à la sculpture. Bien qu’elle ait partagées ses œuvres sous un faux nom, les exposant dans la galerie d’une amie de la famille, les retours qu’elle eut sur ses premiers travaux en emballèrent plus d’un, et l’enthousiasme avec lequel certains attendaient ses prochains projets suffisait à comprendre qu’elle avait un véritable talent dans le domaine.

C’est pour ces raisons que lorsque Will, le petit dernier, annonça qu’il voulait se diriger dans l’industrie de la musique, ses parents ne soulevèrent aucune forme de protestation, au contraire, ils lui offrirent leur soutien inconditionnel.

De toutes manières, ils n’avaient pas eu besoin qu’il leur dise pour le savoir. De la même manière qu’Augustus et Clémence avaient commencé à exhiber un talent pour la peinture, le dessin et la création artistique très jeune, William avait fait de même avec la musique.

Cependant, Will ne comprit pas pourquoi ils l’avaient inscrit dans l’un des lycées privés les plus prestigieux de France. Il savait que toute sa famille avant lui y avait fait leurs études, mais cela n’expliquait pas ce choix.

Bien que celui où il fut inscrit offraient tout de même un cursus de qualité ainsi que des rencontres avec des artistes célèbres et autres avantages, il y’avait plusieurs autres lycées spécialisés dans le domaine artistique qui proposait un enseignement dédié, spécifique et qui explorait plus en profondeur certains sujets. Ce n’est qu’après le premier mois que William saisit les raisons qui avaient poussés ses parents à faire ce choix.

Plus qu’un lycée, c’était le moyen que la plus haute classe de la société avait trouvé pour maintenir privé ce club à travers les générations, choisissant soigneusement qui pouvait s’y joindre et qui n’y avait pas sa place.

Les enfants les plus talentueux du pays côtoyaient les enfants qui allaient hériter des plus grandes fortunes.

Quand il fit part de sa découverte à son frère, avec qui il entretenait une excellente relation malgré leurs années d’écart, Augustus lui répéta une phrase qu’il jugeait parfaitement adapté à cette situation : « Le talent sans connexion, c’est comme une œuvre d’art sans personne pour l’admirer, inexistant »

Will n’eut même pas besoin de lui demander d’où venait cette citation, il l’avait reconnu.

Elle était signée de son père.

Parce qu’il n’était pas idiot, il se mit à jouer le jeu.

Il avait beau être légèrement introverti, cela ne l’empêcha pas de se lier d’amitié avec certain de ses camarades. En à peine un mois, il s’était parfaitement adapté à son nouvel environnement.

Puis, une chose prévisible pour un adolescent se produit ; il tomba amoureux.

En tout premier lieu, il garda ses sentiments pour lui, pensant qu’ils allaient disparaître s’il les ignorait, mais rien n’y fit. Après avoir demandé conseil à son frère, la seule personne en qui il avait une confiance aveugle, il se lança et se déclara. Bien qu’il essuya quelques échecs, il n’abandonna pas, et sa détermination finit par payer. Trois mois après la rentrée, il avait commencé une relation avec la personne qu’il aimait et il ne pensait pas pouvoir être plus heureux.

C’était justement à cette personne qu’il pensait, pendant le cours de Charlotte, quand la puissante lumière blanche les avaient happés et jetés dans ce monde hostile.

–   Will, les soleils commencent à se lever, tu veux bien réveiller les autres ?

La voix de Louis le ramena à la réalité.

Quelques secondes lui furent nécessaires pour remettre ses idées en place et Will dû secouer la tête pour chasser les derniers souvenirs qui continuaient de le hanter.

Il s’était laissé aller à la mélancolie et s’était perdue dans ses pensées alors qu’il jouait de la flûte assis en tailleur en plein milieu du campement. Gardant les yeux fermés, il hocha la tête et la mélodie qu’il jouait jusqu’à-là changea complètement.

Bien qu’il se tenait à plusieurs dizaines de mètres des bâtiments, il entendit sans problème ses camarades se réveiller au son de son instrument.

En fait, William entendait tout.

Que ce soit les bruits que produisaient les vêtements des autres lycéens quand ils marchaient ou les battements de cœur d’un rongeur minuscule qui se situait à plusieurs centaines de mètres à l’extérieur du camp, rien ne lui échappait.

Les yeux fermés, il pouvait identifier sans problème tous les êtres vivants autour de lui rien qu’en se basant sur leurs rythmes cardiaques et leurs respirations. Lui mentir était devenu impossible car il décelait jusqu’aux plus infimes variations dans les battements de cœur et la voix.

Un peu comme le système d’écholocalisation des chauves-souris, il parvenait sans mal à se représenter les espaces qui l’entouraient ainsi que les choses qui y évoluaient, simplement à l’oreille.

Mais ce n’était pas la seule chose qui avait changé chez lui depuis qu’ils étaient arrivés ici.

En plus de cette ouïe qui pouvait percevoir jusqu’au son que produisait un cheveu en tombant au sol, Will s’était aperçu qu’il n’avait plus à satisfaire certains de ses besoins naturelles.

Quelques jours après le début des constructions, l’adolescent avait tout d’abord sauté le déjeuner, préférant jouer de sa flûte plutôt que de perdre son temps à manger. Ne ressentant pas la faim, il avait continué de jouer, sans jamais vraiment s’arrêter.

À cette période, William apprenait à maîtriser ses pouvoirs, oubliant jusqu’à son nom alors qu’il entrait dans des trances toujours plus profonde. Jouer de son instrument le faisait entrer dans un monde où plus rien n’avait d’intérêt que les accords et les mélodies qui prenaient possession de son âme. Se faisant, il transcendait son être jusqu’à un état ou chaque notes étaient à ses yeux un univers à elle toute seule.

Ainsi, se laissant aller à l’appel de ses instruments, il jouait, encore et encore, jusqu’à en oublier sa faim, sa soif, son sommeil et tous ces besoins qui faisaient de lui une créature vivante.

Le jeune musicien se rendait parfaitement compte que ses pouvoirs étaient comme une drogue, altérant son état si incroyablement qu’il sentait le besoin de rester dans ledit état, cela dit, il s’en fichait. Même s’il ne mangeait plus ni ne prenait du repos, il ne se sentait pas moins bien, au contraire, il ressortait de chaque session musicale emplit d’une énergie telle qu’il se sentait capable de courir un marathon.

Son comportement avait soulevées quelques interrogations au sein de ses camarades. William les berçait de sa mélodie presque divine le soir et se réveillaient le lendemain au son de sa flûte. Parce qu’il était un soutien psychologique sans pareil, ceux qui se posaient des questions quant à la possibilité qu’il ait cessé de dormir pour de bon se tinrent coi, jusqu’à un événement qui les poussa à le laisser faire ce qu’il voulait.

Assis en plein milieu du campement encore en construction, il avait attendu que tout le monde soit endormi pour tenter une expérience. Ignorant le groupe qui montait la garde non loin de là, il se mit à jouer de la flûte.

Une note solitaire s’éleva de son instrument et s’allongea, immortelle, envoûtant tous les êtres vivants qui eurent l’audace de l’écouter.

Une note claire, chargé de plus d’émotions qu’il était humainement possible d’appréhender, vibrante d’une vie si intense qu’elle semblait plus réelle que son créateur, et en même temps si monotone qu’elle donnait l’impression de rendre le monde entier plus gai en comparaison.

Elle continua de résonner dans le plus grand silence jusqu’au petit matin, les autres sons s’étant fait le moins audible possible pour laisser à cette unique note plus d’espace encore pour exister.

William aurait voulu continuer de jouer cette note qui continuait de résonner à travers les âmes de ceux qui l’écoutaient, mais il avait soudainement éclaté en sanglot, incapable de continuer.

Nathan, qui montait la garde, s’était précipité vers son ami et lui avait demandé ce qu’il se passait, ce à quoi le flûtiste répondit d’une voix étranglée, incapable de réprimer ses pleurs :

–   Ils sont morts ! Tous ! Et c’était si magnifique que personne ne pourra jamais y repartir !

Il continua de former des phrases incohérentes de la sorte tandis que Nathan regardait le visage inondé de larmes de William avec une expression qui reflétait sa totale incompréhension. Nathan finit par lui demander de qui il parlait, mais la réponse eut encore moins de sens que ses premières explications :

–   Tous ces gens, et ils étaient tous moi, et j’étais eux ! Ils étaient aussi toi et les autres, mais personne en même temps ! Je n’ai pas pu supporter de les voir vivre un tel mensonge, ils ne méritaient pas ça !

Puis Will se remit à pleurer de plus belle, enfouissant son visage dans la chemise de Nathan tout en l’agrippant avec tellement de forces qu’il manqua de la déchirer. Il continua à sangloter pendant au moins dix minutes avant de se calmer. Il releva la tête, essuya ses larmes et remercia son camarade avant de déclarer.

–   Merci, Nat, ça va mieux maintenant, c’est passé, tu peux repartir monter la garde…

Tous ceux qui avaient assisté à la scène mirent son comportement sur le compte d’un soudain breakdown mental, après tout, il était toujours en train de leur remonter le moral, mais qui lui apportait la joie et le calme qu’il prodiguait aux autres ?

Pour Will, ç’avait été une expérience extrême. Il était rentré dans une trance si profonde qu’il était certain que son esprit avait quitté son corps. Plus que le simple « voyage spirituel » qu’il avait l’habitude d’entreprendre durant ses trances « normales », il avait réussi à passer au stade supérieur, stade qu’il était incapable d’expliquer correctement, même pas à lui-même.

Au lieu de simplement contempler l’univers mélodieux et lyrique que les notes formaient normalement, la longueur inhabituelle de cette unique note l’avait rendu si réelle qu’il avait vécu dedans. Il y était né, avait grandi, fait ses expériences avant d’accueillir la mort à bras ouvert, acceptant son sort. Puis il s’était réincarné et avait vécu à nouveau, répétant ce cycle si longtemps qu’il en oublia ses premières vies. Il aurait pu continuer ainsi, se coincer dans son propre esprit, mais vivant alors la vie d’un autre, il avait entendu la note qui formait l’univers où il se situait. Ce fait étrange avait alors esquissé la fin de ce monde dans une harmonie si belle qu’au moment où le spectacle grandiose de l’implosion de l’univers commença, il avait été tous les êtres qui l’admiraient, fascinés.

En reprenant ses esprits, il avait conservé le souvenir de toutes les vies fictives qu’il avait vécues, le rendant confus quant à qui il était et qu’est-ce qui était réel.

Après cela, William décida de ne plus retenter l’expérience. Elle était bien trop intense pour être entreprise n’importe où et quand, mais il ne se sentait de toutes manières pas prêt à revivre toutes ces émotions vives et réelles.

Ce n’est que quelques heures après cet événement qu’il prit conscience d’une chose : Durant tout le temps que la note avait joué, il n’avait pas une seule fois reprit sa respiration.

Barrant cette action naturelle de sa liste de nécessité qui lui restait, William constata alors qu’il ne lui en restait plus beaucoup.

Pourtant, toutes ces modifications qui semblaient le changer irrémédiablement, William les acceptaient sans rien dire, il leur disait la bienvenue même.

Zoé, Lily, Joseph et même Julie ne dormait plus, il le savait parce qu’il les entendait la nuit. Zoé tournait les pages de son livre et plongeait avec ses camarades dans leurs rêves tandis que Lily grattait de sa plume des feuilles, les remplissant de dessins. Joseph continuait de fabriquer des meubles ou autres choses la nuit, et quand il n’était pas debout, dans son atelier en plein air, il sculptait les petites décorations qui commençaient à déborder de sa chambre. Julie restait derrière ses fourneaux, découvrant chaque jour de nouveaux mélanges et une manière nouvelle de cuisiner tel ou tel ingrédient.

Ils continuaient à manger, mais le musicien était persuadé qu’à l’exception de Julie, ils agissaient plus par habitude que par nécessité.

Des sept membres des Supports, Charlotte et Andy étaient les seuls qui n’avaient pas modifiées leurs habitudes. Leurs rythmes de vie demeuraient relativement similaires à celui qu’ils avaient depuis qu’ils étaient arrivés ici.

Will savait donc que ses changements était partagé par certain de ses camarades, il en déduit simplement qu’il était le premier à les expérimenter. Cela arrivait plus rapidement à ceux qui faisaient partie du groupe des supports, mais les nuits d’Amélie et Anthon commençaient elles-aussi à se raccourcir, bien que dans le dernier cas, l’adolescent se demandait si ce n’était pas à cause des nombreuses visites nocturnes de Romane.

L’adolescent était parvenu à la conclusion qu’à force d’utiliser leurs pouvoirs, leurs corps se modifiaient petit à petit. Il était la personne qui ne cessait jamais d’utiliser ses outils magiques, donc il testait en avant-première ces modifications, mais il se doutait que ses camarades finiraient bien par vivre ces mêmes changements, il était prêt à le parier.

Seulement voilà, ces premières améliorations ne lui avaient offerts que des avantages, mais William n’était pas certain que la dernière modification qu’il avait ressentie allait être acceptée de la même manière par ses camarades.

D’après sa propre analyse, le dernier changement en date avait été déclenché lors du retour d’Anthon et des autres. Il avait passé toute la soirée en compagnie d’un gobelin balafré, assis non loin de l’infirmerie. Sa mélodie magique permettait à ses camarades de renouveler leurs forces tandis qu’ils faisaient de leur mieux pour soigner Tom, mais ce n’était pas tout. Il y avait également dans sa musique un air qui permettait d’atténuer la sensation de douleur aux blessés. Bien entendu, il jouait avec assez de force pour que les autres lycéens, dans les dortoirs, puissent dormir sans que les hurlements de douleurs de Tom ne les hantent jusque dans leurs rêves.

En plein milieu du traitement de son camarade, les oreilles de William perçurent le réveil de l’aventurière avant même qu’elle n’ouvre les yeux. Il distingua le son que produisirent ses vêtements alors qu’elle se relevait, son cœur s’affoler tandis que tous les poils de son corps se hérissaient et qu’une sueur froide lui couvrait le dos. Il entendit sa respiration qui se coupa avant qu’elle n’hoquète de terreur. Puis il écouta la vaine tentative d’Amélie pour la calmer en connaissant avec certitude le résultat qu’elle allait obtenir.

Ce que la jeune fille ne déchiffrait pas aussi bien que Will, c’était le cri de l’aventurière. Bien sûr, il était facile d’y noter l’horreur et la terreur, mais la touche d’hystérie et de panique et l’aveuglement mental que ce cocktail d’émotion engendrait était difficile à relever pour ceux qui n’avaient pas une ouïe aussi développée que le musicien.

Il discerna sans difficulté le bruit du vent que les mouvements de la femme produisirent alors qu’elle se précipitait vers la porte et tenta de l’enfoncer alors qu’elle était ouverte. Le bruit de craquement qui suivit la chute de la femme le recouvrit de frisson et il sentit presque la douleur de sa fracture irradier de sa propre clavicule.

Puisque, malgré la douleur de sa blessure, elle ne semblait pas vouloir mettre fin à sa tentative de fuite irréfléchie, William décida d’intervenir.

Pour la première fois depuis qu’il avait reçu ses pouvoirs, l’adolescent invoqua sa harpe.

Même si cet instrument ressemblait à un croisement entre un luth et une lyre, il pouvait imiter avec la même simplicité le son d’un qanun ou d’un koto.

William pinça une corde pour s’assurer que ce nouvel instrument produisait le son qu’il souhaitait. La note qui en jaillit transperça la femme et eut pour effet de ralentir son rythme cardiaque. Assuré que sa harpe jouait à son goût et qu’elle avait l’effet escompté, il improvisa quelques accords inspiré d’un maître indien de la cithare.

Le musicien n’eut même pas le temps de jouer plus de vingt secondes, l’aventurière était déjà endormie.

Puis, après qu’on ait ramené la femme à l’infirmerie, il se remit à jouer de la flûte pour continuer d’apporter son aide à ses camarades souffrants.

Sa flûte était un instrument qui permettait d’apporter un bien-être psychologique aux personnes qui l’entendaient, de la même manière que sa harpe avait pour pouvoir principal d’endormir les gens et ses tambours de déchainer les pulsions. Il était possible d’obtenir des résultats différents du pouvoir initial d’un instrument, comme diminuer la souffrance ou reposer artificiellement l’esprit et le corps, cependant, cela forçait William à consommer plus de pouvoir magique.

Contrairement à Amélie qui, après avoir fini de soigner Tom, s’était allongée à même le sol et s’était endormie, terrassée par la fatigue physique et mentale résultante de la surutilisation de ses sortilèges, il ne ressentait jamais la langueur que ses camarades éprouvaient après avoir lancé un sort, mais Will savait pertinemment qu’il avait abusé de son pouvoir cette nuit.

Parce qu’il n’éprouvait aucune fatigue physique, il s’était installé sur les marches qui menait à la porte d’entrée de l’infirmerie, bien décidé à aider du mieux qu’il pouvait sa camarade guérisseuse. Il porta son instrument fétiche à ses lèvres et se mit à jouer une mélodie qui permettait à ceux qui l’entendaient de reconstituer leurs forces et de dormir plus confortablement.

Avant qu’il ne sombre dans l’une de ses trances musicale, il observa un instant le ciel qui commençait à se teinter d’orange et de rouge se mélangeant sublimement alors que les deux astres solaires émergeaient lentement de l’horizon. Une étrange émotion s’empara de lui alors qu’il contemplait le magnifique lever des soleils, émotion qu’il ne connaissait pas, mais qui lui nouait l’estomac et lui faisait monter les larmes aux yeux. Il ferma ces derniers et s’enfonça plus lentement que jamais dans son monde musical.

Ce fut la dernière chose que William vit aussi clairement.

Il ne sut jamais ce qu’il s’était passé entre le moment où il avait fermé les yeux et où il les avait rouverts, au soir, mais durant ce laps de temps, sa vue avait été altéré.

Quand il posa son regard sur un objet ou une personne, ses yeux ne virent que des grosses taches de couleurs aux contours floues, changeants.

Sa première réaction fut de penser qu’il s’agissait d’un mal temporaire, comme si le filtre opaque qui gênait sa vision était la manifestation de sa fatigue accumulée. De toute façon, cela n’importunait pas Will puisqu’il pouvait continuer de jouer ses instruments sans problème. Il décida donc d’ignorer ce petit désagrément et d’attendre qu’il passe.

Cependant, plus le temps passait et plus ce qui était un léger souci se transformait en affection inquiétante.

Chaque fois qu’il émergeait d’une de ses sessions musicales, il remarquait que sa vue s’était dégradée à nouveau.

Le deuxième jour, une tache noir avait fait son apparition, en plein centre de son champ de vision et s’était entendue rapidement.

Le lendemain de l’apparition de cette tache, elle s’était tellement étendue que ce que ses yeux ne purent plus rien voir.

En à peine trois jours, il avait complètement perdu l’usage de ses yeux.

Malgré ce qui lui arrivait, William n’en avait parlé à personne. Il ne cherchait pas forcément à cacher la vérité à ses camarades, il estimait juste que ce n’était pas assez important pour qu’il perde son temps à leurs expliquer le phénomène.

Il avait accepté sa situation avec une maturité qui ne ressemblait en rien à celle d’un adolescent de seize ans. Cela aurait été une tout autre histoire s’il avait commencé à perdre l’ouïe ou l’usage de ses mains, mais puisque les instruments ne nécessitaient pas qu’on utilise des yeux pour les jouer, il se fichait de ce soudain handicap. Il le rangeait dans la liste des caractéristiques humaines dont il avait cessé d’avoir besoin.

Au fond de lui, William était presque reconnaissant à ses yeux d’avoir arrêté de fonctionner.

Dès qu’il lui fut incapable d’y voir quoique ce soit, il réalisa qu’il se limitait grandement en comptant sur sa vue pour appréhender le monde. Maintenant qu’il ne se basait plus sur ce sens qui pouvait si facilement le tromper, il redécouvrait avec émerveillement la vie. Le fait de ne pas voir lui laissait le loisir de s’imaginer toutes ces choses qu’il entendait.

C’était comme jouer une partition, on avait beau avoir les consignes du compositeur à respecter, le plaisir que l’on obtenait à l’interpréter à sa manière était bien plus important.

Un événement en particulier avait confirmé que son efficacité avait augmenté quand il avait perdu la vue.

Trois jours après le traitement de Tom, alors qu’il jouait sur les marches de l’infirmerie tandis que tous ses camarades mangeaient dans le réfectoire, Ania s’était réveillée.

La terrible fièvre qui l’avait cloué au lit ces deux derniers jours était enfin passée. Personne n’était certain quant à la raison pour laquelle elle avait réagi de cette manière au sort de soin qu’Amélie lui avait lancé pour résorber sa fracture, toujours est-il qu’elle avait failli y passer, en tout cas, c’est ce qu’affirmait la guérisseuse.

Parce qu’il souhaitait la mettre le plus à l’aise possible, la mélodie qu’il jouait se modifia imperceptiblement, forçant une sensation de bien-être absolue sur les personnes qui l’entendait. Cela fonctionna à merveille, Ania resta plusieurs minutes allongée sans rien faire d’autre qu’écouter la musique qui s’échappait de sa flûte. Au rythme de sa respiration et celui auquel son cœur pulsait, il savait qu’elle se sentait extrêmement bien.

Quand enfin, elle retrouva tous ses esprits, son cœur s’affola légèrement, mais Will infusa plus de pouvoir dans sa mélodie, la contraignant à conserver un état d’esprit clair et relativement relaxé.

Elle ne sortit du lit qu’après avoir passé un certain temps à étudier les environs, essayant certainement d’obtenir le plus d’informations possible sur sa location.

À travers les sons qu’elle produisait, Will commençait à se constituer une image mentale de la personnalité qu’elle détenait. Les légères variations de son rythme cardiaque indiquaient au garçon qu’elle était sûrement en pleine conversation avec elle-même. Elle se palpa la clavicule un instant, s’assurant sans doute qu’elle n’était plus fracturé, puis replongea dans ses pensées.

Pour l’adolescent, savoir ce qu’une personne faisait quand elle ne se savait pas observé était une chose hautement intéressante. À force d’entraînement, il pouvait écouter son environnement, même durant une trance, mais à ce moment-là, il était complètement concentré sur l’aventurière ; qu’allait-elle faire ? Comment allait-elle réagir en les voyants ? Est-ce qu’elle essayera de leurs mentir ?

En entendant la jeune femme tester du pied le parquet afin de voir s’il grincer ou non, Will comprit que son maître-mot devait être prudence. Après être sortie du lit, elle resta plusieurs secondes immobiles. Si elle s’assurait de n’avoir alerté personne en se mouvant ou qu’elle vérifier son état physique, l’adolescent n’en savait rien, mais son action renforça l’idée qu’elle était du genre prudente.

Elle s’approcha sur la pointe des pieds de la porte après avoir enfilées ses bottes, mais les oreilles de William n’eurent aucun mal à capter le son de ses pas et le cuir qui crissait. La femme posa sa main sur le loquet en bois et se mit à le déplacer le plus lentement possible. En l’écoutant agir de la sorte, William avait retenu de justesse le fou-rire que son action avait déclenché.

Son cœur battait la chamade alors qu’elle faisait de son mieux pour ouvrir la porte sans bruit. L’ouïe de n’importe qui d’autre n’aurait saisi que quelques grincements très faibles, mais William n’était pas n’importe qui. Les grincements que les gongs en bois produisaient tempêtaient à ses oreilles avec autant d’intensité que si des éclairs tombaient tout autour de lui.

Pendant un court instant, l’envie lui prit d’ouvrir la porte en grand et la faire cesser son comportement qu’il jugeait ridicule à ses oreilles, mais il se reprit avant même que l’idée ait finit de germer dans son esprit. Il avait beaucoup côtoyé les petits animaux inoffensifs qui vivaient dans la forêt, et cela lui avait appris qu’avant de se laisser toucher ou caresser, ils étaient d’abord méfiants et un peu apeurés. Il avait compris que les humains étaient comme ces bêtes, il fallait d’abord attendre qu’il soit habitué à soi et prêt à s’ouvrir aux autres avant de commencer à s’approcher d’eux.

Il resta silencieux, continuant de jouer de la flûte en réprimant son rire tandis que l’aventurière observait les environs à travers l’interstice de la porte qu’elle avait eu tant de mal à créer. Elle la referma quelques secondes après. Persuadée qu’elle avait réussi à agir sans se faire remarquer, elle poussa un petit soupir de soulagement et prit au moins une minute pour laisser à son cœur le temps de se calmer. De l’autre côté de la porte, William rata une note tandis qu’il manquait de s’étrangler de rire.

Puis l’aventurière se mit à déambuler dans l’infirmerie avant de se diriger vers la fenêtre non loin de son lit, celle qui donnait sur la zone d’entraînement et la cantine. Elle ouvrit le battant et se figea un instant, analysant certainement les moindres détails qui pouvaient lui être utile.

Ce qui s’en suivit eut pour effet de rendre le garçon curieux. L’aventurière sauta par la fenêtre après s’être assurée qu’il n’y avait personne dans les environs. Les bruits que faisaient ses camarades dans le petit réfectoire l’assurèrent qu’elle avait le champ libre pour faire ce qu’elle voulait.

Il essuya les larmes qui avaient perlés aux coins de ses yeux qui ne voyaient plus, calmant le nouvel accès de rire qui l’avait saisi quand il avait entendu la femme cesser de bouger et tendre l’oreille, le cœur battant, après son saut.

Alors, qu’est-ce que tu vas faire maintenant, personne ne sait que tu es là… Est-ce que tu vas essayer de prendre la fuite ou tu vas plutôt en apprendre plus et former un plan plus construit ?

S’abandonnant à la curiosité, il avait haussé un sourcil en l’entendant se mettre à courir soudainement. Son deuxième sourcil se releva quand il jugea qu’elle courrait presque aussi vite que Sarah, qui était pourtant la plus rapide de leur groupe.

Et elle vient de se réveiller après plusieurs jours passés dans un demi-coma… C’est impressionnant ! Est-ce que tous les humains de ce monde sont comme ça ? Ou alors c’est juste elle ? C’est peut-être pour ça qu’on a eu des changements physiques en arrivant ici, pour nous mettre à leurs niveaux ?…

Le fil de ses pensées fut interrompu quand il entendit l’aventurière sauter au-dessus d’une palissade et attraper un objet en même temps avant de le glisser dans sa botte dans le même mouvement.

Cette action produisit un son tellement fluide que William ressentit de l’admiration pour la femme. Non seulement elle était rapide, mais elle semblait aussi extrêmement adroite.

Alors qu’il finissait d’apprécier ce qu’il entendait, l’objet de sa curiosité atteignit ce qui devait être la zone de tir. Elle attrapa un arc et vit vibrer la corde, comme pour le tester, et à nouveau, la manière dont elle agit démontra une incroyable maîtrise de ses gestes. Will n’eut aucun doute sur le fait qu’elle devait pratiquer l’archerie depuis plusieurs années.

Bien que la corde ait été fabriquée à partir des moyens du bord, des bouts de fils, de la sève étrange et surtout beaucoup de patience, le son qui s’en éleva quand elle se mit à vibrer confirmait sa qualité.

Will se désintéressa rapidement de l’arc quand il entendit le cœur de l’archère se mettre à battre plus fort et sa respiration devenir erratique. Il comprit en une demi-seconde la raison pour laquelle elle avait commencé à paniquer.

Et oui, on a beau avoir laissé plein d’armes dans la zone d’entraînement, les carquois sont rangés ailleurs, Charlotte a demandé qu’on les remette dans les dortoirs et le bâtiment principal pour forcer les autres à ranger après utilisation, aussi parce qu’elle préfère que Mason soit là pour superviser les entraînements à l’arc… Tu ne croyais quand même pas que ce serait aussi facile, hein ? Qu’est-ce que tu comptes faire du coup ? Abandonner ?

Le musicien capta depuis le réfectoire les bruits que firent certains de ses camarades en sortant de table.

Le sourire qu’il affichait jusqu’à maintenant s’élargit. Qu’allait-il se passer ? Il voulait vraiment savoir ce que l’inconnue allait faire maintenant qu’elle s’était fourrée dans une situation aussi délicate.

William s’attendait à ce qu’elle repose l’arc qu’elle avait récupéré et revienne bredouille dans l’infirmerie, mais contrairement à ses attentes, elle fit quelques pas, se baissa et attrapa quelque chose qu’il n’eut aucun mal à identifier. Une fois son butin trouvé, elle se cacha derrière une palissade. De là, non loin du bâtiment principal et à côté de l’enceinte, elle pouvait observer presque tout le campement sans risquer de se faire voir.

Oh, quelle chance insolente elle possède ! Qui aurait cru que quelqu’un avait oublié un carquois en plein milieu de la zone de tir ?! À tous les coups, c’est Chris ou Jules… Maintenant qu’elle est armée, qu’est-ce qu’elle va faire ?

À ce moment, Nathan, Anthon, Amélie et Zoé sortirent de la cantine. Ils s’approchèrent de l’infirmerie d’un pas décidé, en pleine discussion. William savait qu’ils venaient pour s’enquérir de l’état de l’inconnue, mais il les salua en faisant semblant de n’avoir rien entendu. Seul le sourire énigmatique qui flottait sur ses lèvres le trahissait.

L’adolescent qui montait la garde devant la porte de l’infirmerie désertée se leva lentement, son oreille avait capté l’angoisse grandissante de l’évadé. Il se doutait que s’ils se rendaient compte de sa fuite, cela allait devenir un problème important pour eux, alors il décida de lui donner un coup de main.

–   La femme commence à se réveiller.

Annonça-t-il, son sourire étirant toujours ses lèvres. Il stoppa Amélie qui avait voulu rentrer et continua son explication. L’archère les regardait de loin, dévoilant juste une partie de son visage au-dessus de sa cachette.

–   Allez chercher Tom avant cela, elle a peur, elle sera sans doute rassuré de voir que la personne qui était blessé va mieux maintenant.

Il avait donné la première excuse qui lui était passé par la tête, surtout parce qu’il entendait la respiration régulière de Tom, endormi dans son lit, et il savait qu’ils allaient prendre au moins quelques minutes avant de revenir, laissant ainsi un peu de temps pour que l’inconnue puisse agir.

Et de une chose de faite, maintenant, il ne manque plus qu’elle utilise son cerveau et qu’elle se grouille à revenir. Essayons de la forcer à se bouger les fesses.

Will attendit que ses camarades disparaissent dans la maison voisine avant de se retourner et d’orienter son visage dans la direction de la femme. Il l’entendit réagir promptement en se baissant aussitôt tout en retenant sa respiration, son cœur cognant bruyamment et avec force contre sa poitrine.

Bien que cela puisse sembler très léger aux yeux des autres, il comptait sur le fait que l’aventurière soit une personne prudente pour la faire revenir dans l’infirmerie. Si elle avait des doutes sur sa discrétion et qu’elle pensait avoir été repérée, William espérait qu’elle réagisse en essayant de revenir à son point de départ, pour minimiser le risque.

Perdant du temps à attendre que ses battements de cœur retrouvent un rythme normal, elle osa enfin jeter un coup d’œil hors de sa cachette.

S’étant rassit sur les marches du chalet, il faisait de son mieux pour rester hors du champ de vision de l’archère, agissant comme s’il n’était pas conscient de sa présence. Le but n’était pas qu’elle se sache repérée, mais qu’elle en ait la crainte.

Alors que la femme restait indécise, Will entendit le groupe de ses camarades de classe se rapprocher descendre les escaliers et le fait que l’aventurière n’avait toujours pas bougé rendait le garçon légèrement anxieux.

Allez… Qu’est-ce que tu attends ?! Dépêche-toi, ils vont pas tarder à revenir !

Bien sûr, elle ne pouvait pas entendre ce qu’il pensait, mais la modification qu’il apporta à la mélodie qu’il jouait transmettait sa volonté et une part de son impatience plus sûrement que les mots pouvaient le faire. William décréta que si elle n’avait rien décidé quand les autres adolescents seraient sortis de la maison du génie, il allait la laisser se débrouiller par elle-même.

À peine eût-il finit de former cette pensée que la femme sortit de derrière la palissade et se mit à courir en direction de l’infirmerie.

Elle avait parcouru les deux tiers du chemin avec une rapidité déconcertante quand la porte de Tom s’ouvrit et que le groupe quitta le bâtiment. L’aventurière accéléra encore et franchit les derniers mètres qui la séparaient du mur de bois, mais une fois arrivée sous la fenêtre, elle cessa tout mouvement.

Puisqu’elle semble vouloir rentrer dans l’infirmerie, je suppose que je peux offrir à son escapade une petite prolongation…

William se mit donc à parler à ses camarades, leur assurant qu’elle était en train de se changer et qu’il fallait donc attendre. Il frappa à la porte, faisant semblait d’attendre une réponse de la part de la femme qu’il savait à l’extérieur tandis que cette dernière fourrait sous la construction en bois le butin qu’elle avait récupéré.

Son petit cinéma semblait prendre, et au bout d’une minute passé à échanger des plaisanteries pour ne pas trop les impatienter, il ouvrit la porte. Parce qu’il l’avait entendu se hisser à la fenêtre et refermer le battant, il savait qu’elle ne risquait plus grand-chose, mais il rentra tout de même en premier, faisant en sorte de cacher l’intérieur le plus longtemps possible à l’aide de son corps.

Avec le sourire qui ne l’avait pas quitté depuis maintenant plusieurs minutes, William dirigea ses yeux non fonctionnels vers l’emplacement d’où lui provenaient les sons que l’aventurière produisait naturellement. Il ne pouvait pas voir le visage de la femme, mais à travers la raideur de ses mouvements et l’immobilité qu’elle se forçait à garder, il se doutait qu’elle devait afficher une expression neutre.

Le musicien sentit une crise de fou-rire manquer de s’emparer de lui ; Le cœur de la pauvre inconnue battait avec tant de force dans sa poitrine qu’il se demandait comment ses camarades faisaient pour ne pas l’entendre.

Cet événement avait fini de le convaincre que les changements qui l’affectaient ne le diminuaient absolument pas.

Malgré tout, il était tout de même curieux de savoir si ces transformations étaient réversibles ou non. Personnellement, il se fichait d’avoir perdu la vue, mais il pouvait comprendre que ses camarades ne voient pas du même œil ce nouveau changement s’il venait à leur arriver.

Au lendemain du réveil d’Ania, Will était passé voir Amélie, profitant de l’effervescence que la nouvelle venue avait provoqué. Il avait agi comme s’il voyait encore parfaitement et avait demandé à sa camarade soigneuse de lui jeter un sort sur les yeux.

Amélie avait beaucoup râlé, sans doute parce qu’elle pensait qu’il était venu imiter les autres et satisfaire sa curiosité quant à l’aventurière, mais elle avait tout de même jeté un sort de soin sur ses yeux.

Comme il s’y attendait, quand il sentit que le sort avait fini d’agir, il était encore plongé dans le noir. Le musicien, désormais aveugle, avait remercié Amélie. Il lui avait mentit avec une expression impassible, lui assurant : « ça va mieux, merci encore ».

Il avait quitté l’infirmerie et était sorti du campement, sa horde de familiers le suivant en piaillant. Arrivé à la lisière de la forêt, William avait pris une grande inspiration, remplissant ses poumons de l’air qui portait l’odeur de la nature sauvage.

Maintenant qu’il était certain du sort de sa vision, il était étrangement calme et reposé. Il ne lui restait plus qu’à attendre la prochaine modification en espérant qu’elle ne le prive pas de son ouïe ou autre chose qui l’empêche de jouer correctement de ses instruments.

C’est avec bonne humeur qu’il se décida à combler les besoins émotionnels de ses camarades, avec plus d’ardeur et de détermination que jamais.


Dans la forêt, à plusieurs centaines de mètres du campement, une silhouette avançait sans bruit à travers les fourrés. Le dôme naturel formé par les innombrables ramures feuillues des arbres ne laissait filtrer que quelques rayons de soleils qui tombaient sur les plantes sauvages en donnant au décor un aspect onirique. Parfois, une petite brise se faufilait entre les troncs épais et agitaient les buissons et autres végétaux. Combinés au silence séraphique qui planait dans la forêt, les bruissements de la nature ainsi que le chant des animaux et insectes diurnes intensifiaient l’atmosphère mystique qui régnait.

La personne qui marchait dans ce lieu semblait sensible au magnifique spectacle naturel qui se déroulait tout autour d’elle car elle s’arrêtait par moment, prenant le temps de jeter un coup d’œil circulaire sur ses environs, appréciant quelques instants la scène avant de reprendre son chemin. Les colonnades de lumière qui l’inondaient par intermittence révélèrent un adolescent assez grand, ses cheveux blonds tirant sur le brun étaient coiffés en arrière, mais des mèches rebelles tombaient sur ses yeux bleus. Une barbe de quelques jours commençait à prendre possession du bas de son visage au teint hâlé par le soleil.

Malgré la splendeur hypnotisante omniprésente en ce lieu, l’adolescent qui s’y déplaçait restait tout de même attentif à ses environs.

Quand un son inhabituel lui parvenait aux oreilles, il s’arrêtait brusquement, ne faisant plus un bruit, tandis qu’une lance se matérialisait dans sa main. Il restait immobile assez de temps pour s’assurer qu’aucun danger ne le guettait, puis il se remettait en chemin.

Tous les jours, Jack suivait un parcours très précis dans la forêt pour vérifier les pièges qu’il avait installé tout autour du campement.

Il avait décidé de les fabriquer à son retour de son expédition. Voir les girothanis manger de la viande l’avait convaincu qu’il pouvait lui aussi faire de même. Pour lui, réaliser quelques pièges simples avait été un jeu d’enfant, bien qu’il ait d’abord eu un peu de mal à se souvenir la manière de procéder au début.

Un élan de mélancolie l’avait saisi alors qu’il essayait de se remémorer comment les échafauder. Des souvenirs de son enfance furent ravivés et il se revit camper dans la forêt, en compagnie de ses parents. Pour Jack, mettre en pratique ce qu’ils lui avaient appris sans qu’ils soient là pour en profiter lui donnait l’impression qu’il ne les reverrait jamais.

Il se rendit alors compte qu’il risquait vraiment de ne plus jamais entendre les conseils avisé de son père ou le rire de sa mère et cette réalisation le heurta avec tant de force qu’il en eut la respiration coupée. Des larmes perlèrent aux coins de ses yeux et il ne fit aucun effort pour les retenir.

Seul, assis en bordure de la forêt, il se laissa aller au chagrin.

Ce n’est que dix minutes plus tard que Jack reprit contenance ; il sécha ses larmes et se remit au travail, le cœur plus lourd que jamais.

Au final, il avait installé en une journée une dizaine de piège, espacés chacun d’une trentaine de mètre. Il les avait disposé en arc de cercle autour du campement, assez éloigné pour éviter que ses proies ne soient effrayées par le vacarme qui provenait du camp, mais tout de même assez proche pour qu’il n’ait pas à se mettre en danger à chaque fois qu’il voulait les vérifier.

Il utilisait des petits morceaux de poissons grillés comme appât, mais contre toutes attentes, les résultats qu’il avait obtenus étaient probants. Jusqu’à maintenant, il n’avait piégé que ces petits lapins cornus aux longues oreilles que l’on voyait souvent autour de William, mais il ne s’était pas découragé d’attraper d’autre type de gibier. Étrangement, ces petites bêtes étaient incroyablement faciles à capturer, à tel point que Jack était persuadé qu’il pouvait les saisir à mains nues. C’était à croire qu’ils occupaient la place de ‘créatures les plus idiotes de ce monde’.

Bien qu’il n’en avait pas forcément besoin, il avait gardé pour lui la provenance de la dizaine de lapin qu’il avait attrapé le lendemain. Quand il les ramena au campement, ses camarades n’avaient pas hésité à l’applaudir. Cependant, leur comportement changea radicalement une fois qu’ils comprirent que Jack comptait les manger. Les vivats se transformèrent rapidement en protestations virulentes. Il était vrai qu’à les voir trembler de manière incontrôlable, blottis les uns contre les autres, ne pas les trouver adorable aurait été un crime, mais Jack n’était pas du genre à se décourager simplement parce que son dîner était mignon ou que ses amis se sentaient incapable de faire ce qu’il fallait pour manger.

Il avait ignoré l’indignation de la majorité du camp et s’était mis en tête de les déguster le soir-même. Il demanda à Joseph de construire un petit enclos, entre le réfectoire et les dortoirs, et y enferma ses prises. Bien sûr, le chasseur avait jeté son dévolu sur le plus dodu d’entre eux. Puisqu’ils ne savaient pas si cette créature était comestible ou non, Jack accepta de n’en cuisiner qu’un seul, pour le moment en tous cas.

Après avoir préparé le lapin cornu, Jack apporta la carcasse de la bête vidé de son sang et dépecé à Julie. La jeune femme avait laissé de côté les sentiments qui provenaient de leur monde d’origine quand elle avait appris qu’elle allait pouvoir mettre la main sur un ingrédient qui pouvait éventuellement s’ajouter au menu journalier. Tom avait examiné rapidement la chair du rongeur, et d’après lui, il était possible qu’elle soit comestible. Parce qu’ils n’avaient aucun moyen fiable de le vérifier autre que de le gouter, le génie prit à part Jack et lui expliqua pendant plus de vingt minutes les risques auxquels il s’exposait en agissant de la sorte.

Contrairement à Charlotte qui avait été inflexible et avait interdit à son élève de tenter quoi que ce soit de dangereux, Tom s’était simplement assuré que son camarade comprenait ce que ses actions impliquaient.

La cuisinière du campement s’était donnée à fond. Avant même que le repas exceptionnel de Jack soit prêt, l’odeur qui se dégageait du four eut pour effet de mettre l’eau à la bouche de tous les adolescents présents.

Dans la cantine, Jack était attablé à la seule table dressée dans la pièce tandis qu’autour de lui, Amélie, Nathan, Tom, Zoé et Jules se tenait à quelques pas du chasseur, chacun sachant quoi faire s’il fallait réagir. Anthon et Romane s’étaient dévoués pour retenir Charlotte ailleurs, l’occupant afin qu’elle ne puisse pas interrompre leur séance de dégustation.

Quand Julie apporta le plat qui était enfin prêt sur la table, tous s’approchèrent légèrement en captant l’odeur lourde de saveurs familières.

–   Well… Bon appétit !

Si cela se trouvait être ses dernières paroles, Jack n’y voyait pas de mal. Entre risquer sa vie et pouvoir savourer de la viande ou se résigner à manger du poisson tous les jours jusqu’à en mourir, son choix était vite fait.

La première bouchée qu’il prit fit éclater un feu d’artifice de saveurs dans sa bouche. Les papilles gustatives du chasseur se délectèrent du goût familier qu’il aimait tant alors que la chair tendre du lapin fondait presque dans sa bouche. Il n’y avait pas à dire, la viande était une chose bien différente du poisson.

En voyant ses camarades le dévisager avec un regard inquiet, et légèrement envieux pour certains, Jack avait été pris d’envie de simuler des convulsions, mais il s’était retenu.

Tout de même, ç’aurait été assez marrant. Je me demande quelles têtes les autres auraient tirées. Ah, maintenant que j’y pense, il va falloir que je réserve un lapin pour Joseph et un autre pour Anthon.

Laissant ses pensées dériver, Jack remarqua la petite marque qu’il avait apposée sur un tronc. Il en avait laissé une sur tous les arbres les plus proches de ses pièges pour s’assurer de les retrouver à chaque fois, mais les arbres de ce monde, comme toutes les autres choses, étaient régit par des lois étrange. Une nuit suffisait pour que la petite inscription qu’il gravait sur le tronc s’efface, comme si l’écorce se soignait à une vitesse incroyable.

La première fois qu’il s’en était aperçu, ses marques avaient presque complétement disparu. Il avait failli passer à côté de son piège, mais son sens de l’observation et sa mémoire visuelle lui avait permis de tous les retrouver. Depuis, à chaque fois qu’il vérifiait ses pièges, il utilisait le couteau que Tom lui avait donné pour renouveler sa marque.

Jack s’accroupit pour récupérer le lapin idiot qui s’était certainement fait avoir, comme toutes les autres fois, mais le piège était vide. Parce que c’était la première fois que ce piège ne fonctionnait pas, l’adolescent était désagréablement surpris, blessé même. Pour une raison qu’il ignorait, il prenait cet échec de manière très personnel, bien qu’il ne soit pas le type de personne à réagir de la sorte.

Une fois la surprise passé, l’adolescent se pencha sur le sol, là où il avait déposé les petits morceaux de poisson. Il avait du mal à croire qu’il n’avait rien attrapé. Cette mauvaise surprise le força à se concentrer pour analyser la scène. Dès qu’il entrait dans un état de profonde réflexion et attention, il ne pouvait s’empêcher de frotter le sillon formé par le froncement de ses sourcils.

C’est vraiment étrange, je suis certain d’en avoir déposé bien plus que cela, comment se fait-il qu’il n’en reste que si peu ? Est-ce que ces lapins débiles auraient compris le truc et ont réussi à chiper la nourriture sans déclencher le piège ?

Le garçon secoua la tête en se rendant compte à quel point son idée était stupide et continua ses observations. Examinant le piège artisanal de plus près pendant quelques secondes passées, il finit par détacher le sac en fourrure qu’il portait en bandoulière et le jeta dans le piège. En entrant en contact avec la corde tendu au sol, le piège se déclencha et son sac se retrouva pendu à quelques centimètres du sol. Le sillon sur son front se creusa d’avantage et ses frottements s’intensifièrent.

Hm, il fonctionne parfaitement. Le problème ne vient donc pas du piège, alors est-ce qu’il s’agit des lapins ? Il m’est difficile de croire qu’ils ont soudainement eut un élan de lucidité, mais si ce n’est pas le cas, ça limite mes hypothèse. Ce piège est celui qui ne m’a jamais failli, et j’ai la ferme intention de continuer à faire confiance en ma chance. La possibilité qu’ils aient tous été attrapés ou qu’ils aient fuis est infimes. Il ne me reste plus qu’à espérer que les autres aient été plus fructueux. Ça me ferait mal de repartir sur un régime composé essentiellement de poisson alors qu’on redécouvre enfin le goût de la viande !

Jack détacha le sac qu’il utilisait pour transporter ses prises habituelles, sac qu’il avait lui-même cousu à partir des fourrures de lapin cornu. Une fois sa besace récupéré, il remit en place son piège, replaça des morceaux de poissons grillés et se releva.

Au fond de lui, le chasseur se fichait un peu de trouver un piège vide. S’il était aussi suspicieux, ce n’était pas parce qu’il était prétentieux au point de croire ses fabrications infaillible, mais c’était à cause de son instinct qui le prévenait que quelque chose clochait. Il n’était pas assez inconscient pour l’ignorer, dans ce monde, c’était une chose qui semblait nécessaire à la survie d’un individu. Il ne parvenait simplement pas à assembler tous les éléments pour former une image complète, certaines parties du puzzle ne s’emboîtaient pas ou n’était pas correct.

Je suppose que je ne peux rien y faire, qui sait, si ça se trouve, c’est les plantes au sol qui ont absorbées le poisson. Dans un monde où l’on peut faire apparaître des armes, pourquoi ne pourrait-on pas faire disparaître des morceaux de poisson ?

Malgré les explications avec lesquels il essayait de se convaincre, le sentiment que quelque chose était anormal demeurait.

Poussant un soupir, Jack se décida enfin à quitter les lieux pour finir son parcours prédéfini. S’il prenait trop de temps, il risquait de ne plus retrouver ses marques. Il s’approcha du tronc où la gravure en forme de flèche indiquant la direction du piège commençait déjà à disparaître. Il sortit le poignard qui appartenait initialement à Ania et se mit à gratter l’écorce pour renouveler son repère.

Une fois son travail accomplit, il éloigna son arme de l’arbre mais elle lui glissa des mains et tomba sur la terre. Le tapis végétal avait amorti le son de sa chute, mais il avait complètement disparu sous la couverture épaisse de plante.

Se maudissant pour cet élan de maladresse, il se mit à écarter les feuilles qui couvraient le sol de leurs larges ramures et les tiges épaisses qui pointaient hors de la terre comme autant de lances. L’adolescent finit par retrouver son couteau en soulevant une feuille particulièrement grande. Il le récupéra rapidement en se lançant une dernière remontrance et son regard capta un détail qui avait été caché jusqu’à présent.

L’une des premières choses qu’il avait appris à la chasse, c’était le pistage. Son père lui avait tellement rabâché ses dictons étranges qu’il avait fini par les retenir machinalement : « Mauvais tireur mais bon pisteur mange plus souvent que la combinaison inverse », « Apprends la chasse à un homme et il mangera parfois, apprends lui le pistage et il mangera toujours » et autres idiotie du genre. Jack répliquait en général par une phrase de son cru, comme « Jette sur un homme une crotte et il sera énervé, jette-en deux et il sera deux fois plus énervé », ce qui avait toujours eu pour effet de faire rire sa mère.

Il avait beau détester et se moquer de la manière dont son père lui avait inculqué cette base, il savait qu’elle était correcte. Il pouvait presque entendre la voix de son père lui répéter un autre de ses dictons à moitié originaux alors qu’il s’accroupit au sol et étudia la petite marque qui était à moitié recouverte et presque effacé.

Eh bien, il semblerait que Lady Luck ne m’a pas complètement abandonné sur ce coup. Alors, petite trace, montre-moi ce que tu as à m’offrir !

C’était une empreinte de pas.

Il se serait trouvé dans n’importe quelle forêt de leur monde, il aurait été capable de déterminer avec précision l’espèce à qui appartenait cette marque, mais aussi le sexe, le poids et la taille de la bête qui l’avait laissé. Mais tout ce savoir ne lui servait plus à grand-chose ici.

Bien qu’elle était presque effacée, Jack n’eut aucun mal à reconnaitre la forme dans la terre meuble. À partir du moment où il voyait une empreinte, il lui était difficile de l’oublier, et ce n’était pas la première fois qu’il rencontrait celle-ci.

Elle appartenait à un humanoïde, relativement petit comparé aux humains, il était facile de s’en rendre compte puisque que même à moitié effacée, les traces des orteils étaient encore parfaitement visible. Bien qu’elle partageait de nombreuse ressemblance avec les pieds humains, sa forme était bien plus primale. À moins qu’elle ne fût celle d’un quelconque ancêtre commun aux homos sapiens, cette empreinte de pied ne pouvait qu’appartenir à un type de créature qu’il avait côtoyé pendant plusieurs jours.

Sans aucun doute, c’est une empreinte de Girothani… Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Leur village est à cinq jours de marche, au moins, et elle est trop fraîche pour être un reliquat de notre expédition. Je n’ai pas vu une seule fois l’autre balafré s’éloigner de Tom une seule fois depuis qu’il a été soigné, alors ça limite les suspects…

Se promettant de passer voir Tom et son compagnon vert en revenant, Jack se remit en route.

D’habitude, sur les douze pièges qu’il avait installés, il trouvait toujours des prises sur au moins la moitié d’entre eux. Le premier piège qu’il vérifiait dans l’ordre avait toujours attrapé un lapin, tout du moins, jusqu’à maintenant. Aujourd’hui, il n’avait que trois lapins maigrichons dans son sac quand il ressortit de la forêt.

Sur presque tous les pièges qu’il avait installés, il avait retrouvé des traces de pas disséminé ici et là, tout autour de ses créations. La plupart avaient été effacées, mais Jack était un trop bon pisteur pour laisser passer des indices. Alors qu’il prenait d’habitude moins d’une demi-heure pour effectuer son parcours en temps normal, il émergea cette fois-ci de la forêt deux heures après avoir vérifié le premier piège.

Au fur et à mesure que Jack se retrouvait devant ses pièges qui avaient été imperceptiblement trafiqués, le sentiment que ‘quelque chose clochait’ s’était lentement transformé et avait mué en une inquiétude qui était d’autant plus désagréable qu’il ne savait pas exactement ce qu’il se passait.

À un moment, il avait même eut la déplaisante sensation d’être observé à son insu. Cela contribua fortement à accroître son inquiétude.

Tandis qu’il se dirigeait vers la porte d’entrée du camp, son cerveau fonctionnait à plein régime, essayant de justifier les choses préoccupantes qu’il avait observé plus tôt.

Je sais que mes pièges ont été touchés, sans doute mes proies m’ont été volées, mais le ou les responsables ont pris la peine de les remettre en place. Je peux affirmer avec certitude que les empreintes que j’ai retrouvées appartiennent à au moins trois girothanis, ce qui veut dire que soit ce sont eux les voleurs, soit qu’ils ont joué un rôle dans l’affaire. Bien que ça expliquerai pourquoi ils ont remis en place les piège, il me parait assez difficile de croire qu’ils sont tombé sur mes pièges par hasard et qu’ils ont cru que leur propriétaire les avaient abandonnés. Il restait bien trop de miettes visibles pour qu’on s’y trompe… Les quatre girothanis qui accompagnait le balafré ne sont pas sorti du campement, c’est presque certain, sinon ceux qui montait la garde les auraient remarqué, donc ça les exclus du lot des suspects. À moins qu’ils ne se soient faufilés en douce à l’extérieur ? Si c’était le cas, pour quelle raison auraient-ils fait cela ? C’est à n’y rien comprendre !

Le garçon avait beau cogiter, se frottant furieusement le front de son index, toutes les conclusions auxquels il parvenait n’avait pas de sens.

En arrivant au niveau des bains, il secoua la tête, comme pour remettre ses idées en place. Malgré l’envie de l’adolescent de s’isoler dans un coin tranquille et observer le ciel pour réfléchir plus posément à tous ces évènements, son instinct tirait avec vigueur sur la sonnette d’alarme et il sentait qu’elle ne cesserait pas de carillonner dans son esprit jusqu’à ce qu’il ne résolve le mystère qui le tracassait.

Avant de pénétrer dans le camp par la porte en bois épaisse, Jack leva la tête et plongea ses yeux dans l’immensité bleue qui s’étendait au-dessus de lui.

Depuis l’étrange incident qu’il avait expérimenté au village girothani, quand il avait vu la baleine volante, un étrange sentiment de réconfort mêlé à une peine inexplicable l’étreignait quand il observait le ciel. Le chasseur ne savait pas si ce qu’il ressentait provenait du souvenir de son incident ou si cela été dû à son envie de le réitéré. Il était prêt à renoncer à n’importe quoi pour apercevoir à nouveau un de ces cétacés volant, même à la viande qui était si chère à son cœur et qu’il venait à peine de retrouver.

Jack resta plusieurs minutes à scruter le ciel, l’infime espoir de repérer la créature majestueuse qui le hantait le poussait à rester toujours plus longtemps et gonflait son cœur d’une sérénité que même les mélodies de William ne pouvaient inspirer. En même temps, il sentait la frustration de ne rien apercevoir du tout se transformer en une peine si poignante qu’il sentait monter les larmes à ses yeux.

Ces deux émotions contradictoire se mélangeaient et tourbillonnait en lui, le mettant dans un état étrange où la moindre des choses pouvait le faire rire et quelques secondes plus tard, pleurer comme une madeleine. Cet état, qu’il n’expliquait pas, était la principale raison pour laquelle il préférait s’isoler des autres, ne tenant pas vraiment à ce que quiconque le voit agir étrangement.

–   Jack ? Ça va ?

La voix de Margaux le ramena violemment à la réalité. Penchée par-dessus le rempart, elle regardait son camarade avec une expression inquiète. Jack la dévisagea en retour. Il dû attendre quelques secondes avant de se souvenir où il était et qui elle était. Sa voix, qu’il voulait ferme, se fit hésitante alors qu’il répondit avec une expression hébétée :

–   Ah ? Yes, yes, ça va très bien, thanx…
–   T’es sûr ? Parce que t’es resté plus de cinq minutes à fixer le ciel avec un air très… absorbé…

Maintenant qu’il avait repris ses esprits, il était en pleine possession de ses capacités cognitives.

Tant que ça ? J’ai d’autres chats à fouetter, je ne peux pas me permettre de rester les bras ballant, j’ai perdu assez de temps comme ça.

–   Je t’assure que ça va, don’t worry.

Jack afficha un grand sourire et entra dans le campement fortifié. Il sentit le regard de sa camarade lui vrillait le dos tandis qu’il traversait la grande place en direction des dortoirs, mais il l’ignora. L’attention non désiré était ce qu’il récoltait à agir comme un ahuri devant les autres.

Il monta les marches quatre à quatre et se dirigea directement vers la chambre de Zoé.

L’étage était réservé aux filles depuis que Tom avait emménagé ailleurs, et ces dernières avaient instaurées des règles strictes en ce qui concernait l’accès au niveau. De la même manière qu’il y avait des horaires pour les bains, les garçons n’avaient pas le droit de monter tant que les soleils n’étaient pas visibles.

Malgré l’injustice que ce traitement provoquait, les filles pouvant bien entendu se déplacer à l’étage des garçons quand bon leur semblait, elles possédaient un atout qu’aucun garçon ne pouvait vaincre : Julie et sa nourriture. Leur mainmise sur les estomacs prévenait toute forme d’opposition aussi bien qu’un canon à eau dispersait une foule d’étudiants révoltés.

Puisque les soleils venaient tout juste de commencer leur trajectoire descendante en direction de l’horizon, Jack avait encore le droit d’arpenter les couloirs de l’étage supérieur.

Arrivé devant la porte de la chambre de la télépathe et de Lily, il toqua doucement contre le bois et attendit. Il aurait voulu rentrer et discuter directement, sans perdre de temps, mais il savait qu’agir de la sorte reviendrait à se mettre à dos la communauté solidaire des filles. Il comptait continuer à manger de la viande encore longtemps, et c’était certainement la première chose qu’elles essayeraient de lui prendre s’il agissait comme un goujat.

Essayant de prendre son mal en patience, il croisa les bras et appuya son épaule contre le mur, imitant une attitude tout à fait décontracté.

L’adolescent avait beau en avoir l’air, il n’était pourtant pas calme du tout, son pied qui tapait impatiemment le parquet en était la preuve. Les regards intrigués que les filles lui jetaient à la dérobée en passant à côté ou qu’elles lui adressé depuis la porte de leur chambre avait le don de l’irriter et de le mettre mal à l’aise. Peut-être était-ce parce qu’il avait l’habitude d’être le chasseur et non le chassé, mais se retrouvait dans cette situation le dérangeait grandement. Il avait l’impression d’être un mouton inoffensif encerclé par des loups ; vulnérable.

Quand Zoé ouvrit enfin la porte, il ne prit même pas le temps de la saluer, se contentant de lui lancer :

–   Viens avec moi, i need your help.

Il s’était exprimé en plongeant ses yeux bleu droit dans le regard noisette de la jeune fille et cela eut pour effet de faire monter le rouge à ses joues. Embarrassée, elle détourna la tête, fixa le bout de ses pieds et bredouilla un simple « d’accord » avant de le suivre sans rien ajouter de plus. Jack s’en ficha royalement, tout ce qu’il voulait, c’était sortir d’ici et l’aide que sa camarade pouvait lui apportait. De toutes manières, la télépathe était réputée pour son extrême timidité. Quiconque lui parlait la voyait rougir et balbutier quelques mots avant qu’elle n’essaye de prendre la fuite.

Au grand dam de la jeune fille, ces interactions ‘interhumaines’ arrivaient plus souvent qu’elle pouvait le supporter.

Puisque Zoé avait la capacité de lire dans les pensées, certaines personnes la ‘réquisitionnait’ parfois afin d’éviter que des disputes ne dégénèrent. Grâce à elle, le nombre de conflits au sein du groupe réduit de Terrien avait drastiquement diminué. Qu’elle veuille ou non remplir ce rôle de juge n’importait pas aux autres, mais dans tous les cas, elle se savait incapable de refuser quoique ce soit.

Jack descendit les escaliers et prit cette fois la direction de la chambre où résidaient les quatre girothanis qui les avaient escortés en plus du balafré.

Sur le chemin, la télépathe avait fait apparaître son livre et avait lu dans l’esprit de son camarade la raison pour laquelle il l’avait demandé de le suivre. C’était la première fois que Jack laissait ainsi ouvert son esprit, à la merci de la jeune fille. Cet acte signifiait sans doute qu’il était concerné par quelque chose.

Malgré l’occasion exceptionnelle, Zoé se retint de se mettre à fouiner dans son esprit afin de satisfaire sa curiosité. Elle avait senti en premier lieu l’inquiétude du garçon et ce faisant, comprit rapidement que Jack avait mis le doigt sur quelque chose d’important. Puisqu’il était du genre organisé et concis, ce fut très facile pour elle d’appréhender les éléments qu’il avait rassemblés lors de son escapade dans la forêt.

Quand il entra dans la salle, les quatre créatures cessèrent de discuter entre elles et tournèrent leurs têtes vers les nouveaux arrivants comme un seul homme. Jack ne dit rien. La courtoisie importait peu puisqu’il ne les comprenait pas et eux de même. Posant ses yeux sur leurs pieds nus, il se mit à comparer leurs formes aux empreintes qu’il avait trouvées.

Il était bien sûr impossible d’être certain que telle empreinte appartenait à telle créature, surtout pas en un seul regard, mais tout était une histoire de déduction logique. Il comparait d’abord les tailles et les formes des pieds, puis s’il trouvait une correspondance, se remettait à comparer les deux empreintes en utilisant cette fois-ci de nouveaux paramètre, tel que le poids ou la façon de se tenir.

En à peine vingt secondes, il avait terminé son analyse :

Des quatre girothanis, seules les empreintes d’un correspondait avec celles qu’il avait trouvé dans la forêt. À nouveau, les sourcils de l’adolescent se froncèrent. L’expression implacable qu’il avait affiché jusqu’à maintenant laissa place à l’incompréhension sur son visage.

Comment est-ce possible ? Il y avait trois empreintes distinctes ! Si un seul d’entre les quatre est impliqué, alors d’où viennent les deux autres ? Même si l’autre balafré se trouvait là-bas par je ne sais quel miracle, il me manquera toujours un girothani pour que le compte soit rond ! Bon, on va essayer autre chose, Zoé, je vais sortir un lapin de ma besace, lit l’esprit du deuxième en partant de la gauche et voit comment il réagit.

Il tourna la tête pour s’assurer que la télépathe avait bien comprit. Celle-ci lui retourna son regard avant d’ouvrir la bouche, comme si elle voulait parler, mais aucun son n’en sortit. Elle la referma et rougit avant d’hocher rapidement la tête.

Jack s’approcha du girothani qu’il avait désigné. Il se démarquait des autres par sa taille plus grande, mais ses empreintes correspondait à la plus petites des trois qu’il avait mémorisé. L’adolescent plongea sa main dans son sac, ce qui eut pour effet d’induire une légère panique chez les créatures en face de lui. Le chasseur sortit une de ses prises et le fourra dans les mains de sa cible.

Le girothani attrapa le lapin cornu et dévisagea celui qui venait de lui donnait avec un air intrigué qui se transforma quelques instants plus tard en l’expression béante de la reconnaissance.

–   Bugb ! Glu gul gbugb !

Se mit-il à crier, un grand sourire fendait son visage en deux, dévoilant de longs crocs jaunâtres.

L’individu le remerciait avec tellement de force pour une si petite chose qu’un simple lapin que la méfiance du garçon augmenta considérablement.

Les quelques cours de théâtre que Jack avait pris au collège ne lui suffisait pas pour déterminer si oui ou non la réaction du girothani était authentique ou simplement un mensonge dissimulé par un sur-jeu d’acteur un peu trop intense. Son séjour à leur village lui avait appris qu’ils avaient beau ressembler à des gobelins, ils possédaient tout de même une intelligence remarquable.

Puisqu’il le remerciait, Jack hocha la tête en affichant un sourire hésitant. En son for intérieur, il se demandait s’il devait ou non lui tapoter la tête en retour. Tom le faisait bien avec Bulgulglu, mais ce dernier était un enfant, alors est-ce qu’il pouvait quand même agir de la même façon avec les autres ? Est-ce que ce n’était pas extrêmement impoli ? L’adolescent s’imagina faire de même à un nain et il obtint sa réponse.

Non mais à quoi je pense moi, il ne faut pas que je me laisse distraire !

Pendant un instant, l’adolescent se trouva extrêmement stupide. Qui se souciait de ce genre de détails triviaux ? Il réprima la colère qui avait commencé à enfler en lui et s’approcha de Zoé. Ne savant pas quelle était la réponse qu’elle allait lui donnait, il préférait agir en ne soulevant aucun soupçon. Il emmena la jeune fille à l’extérieur de la pièce et s’assura que la porte était fermée quand il lui demanda, tout son sérieux retrouvé :

–   So ? Tu as trouvé quelque chose ?

Zoé secoua lentement la tête, une expression désolée sur le visage.

–   Non, ils n’ont pas quitté le campement depuis qu’ils sont arrivés.
–   Crap… that doesn’t make any sense ! Why were their footprints there on the first place anyway ? And why did they erased it ?

S’oubliant dans sa frustration, Jack s’était exprimé dans sa langue natale.

Techniquement, ça a plus de sens qu’il soit innocent, puis que les autres le sont aussi, mais ça n’arrive pas à me consoler. Si seulement j’avais une idée plus claire des raisons derrière ces actions !… Bon, la colère ne me mène à rien, essayons de nous calmer, puis avisons après.

Écoutant la voix de la raison qui lui avait murmurée cette dernière pensée, il ferma les yeux et fit une série de longues respirations. Cette méthode basique de relaxation avait le mérite de fonctionner très bien sur Jack. Les pensées qui encombraient son esprit furent promptement chassées de là et il retrouva son calme.

Il fronça alors les sourcils, se concentrant intensément tandis qu’il essayait de trouver un sens aux choses qu’il avait découvertes.

Bon, faisons un rapide résumé de la situation. Un groupe de girothani s’est retrouvé dans la forêt, au niveau de mes pièges, c’est-à-dire à moins d’une centaine de mètre du campement. Il ne s’agit pas de ceux qui vivent avec nous, mais d’autres ; soit des individus provenant d’un autre village, soit ceux du village que l’on connait. On peut dans tous les cas facilement assumer qu’ils ont pris connaissance de notre localisation et possiblement du fait que nous sommes des humains. Dans l’idée où ce groupe de girothani provient d’un village différent de celui qu’on a visité, alors ils ne nous connaissent pas, ça me semble assez évident. Ce serait donc logique qu’ils maintiennent leur distance pour éviter de s’exposer au danger, ce qui expliquerait aussi pourquoi ils ont essayé de tout remettre en l’état sans laisser de traces. Ne pas retendre les pièges serait une chose qu’une personne affamé et inconsciente de l’éthique des chasseurs ferait, ce qui englobe la totalité des êtres ici, mais ça traduit aussi l’inintérêt qu’elle porterait au fait qu’elle soit repéré par les autres. Puisque les pièges n’ont pas seulement été remis en place mais qu’ils ont aussi effacé leurs traces, cela veut dire que ceux qui ont fait ça pour ne pas nous avertir de leur présence. S’ils cherchaient vraiment à ne pas se faire voir, alors ils ne se seraient même pas approchés de mon gibier, donc je pense qu’on peut raisonnablement exclure la simple curiosité de l’équation. Si l’on considère que leur raison principal pour rester invisible est une tentative de rester incognito, alors nous voler était une nécessité pour eux. Ils doivent donc certainement être à une certaine distance de leurs campements et ils comptent peut-être rester aux alentours pendant un certain temps. C’est bien plus facile de se servir dans le plat des autres que d’aller chercher sa propre nourriture. Quoique, ça pourrait aussi être une tentative de nous couper les vivres ? Peut-être qu’ils ne connaissent pas notre régime alimentaire et pensent que l’on se nourrit exclusivement de viande ? Dans ce cas, ils veulent soit nous faire partir, soit nous affamer…

Interrompant son monologue mental, Jack cessa de se frotter le front de son index et releva la tête.

Zoé, plongée dans son livre, fit de même. Elle dévisagea son camarade, une expression indéchiffrable sur le visage.

–   What ? Je me suis trompé quelque part dans mon raisonnement ?

En réponse, la jeune fille rougit et ses yeux évadèrent son regard. Sa voix se fut plus hésitante encore que d’habitude quand elle prit la parole, comme si elle s’apprêtait à avouer le fond de sa pensée et qu’il n’était pas forcément des plus agréables à entendre.

–   Non, non ! Pas du tout ! C’est juste que… hé bien… on a plutôt tendance à oublier que tu étais le meilleur élève de ton école, aux États-Unis… Tu as une très belle façon de penser…

Son interlocuteur haussa les sourcils en entendant ce qui devait être un compliment.

Quelle fille étrange, ne put s’empêcher de penser Jack juste avant d’ajouter : Ah, oui, c’est vrai, elle peut lire les pensées… désolé…

Trouvant la situation assez gênante comme ça, le garçon décida qu’il était temps de faire part de la conclusion à laquelle il était arrivé, bon gré mal gré. Il sortit du dortoir et prit cette fois la direction de la maison de Tom, Zoé, plus rouge que jamais, sur ses talons.

Bien que Nathan conservait sa position de ‘chef’ dans le camp, Jack se rendait parfaitement compte qu’il avait surtout pour rôle de maintenir la cohérence du groupe. Le véritable preneur de décision était et resterai Tom. Son intelligence hors norme était trop importante pour que quiconque puisse se passer de lui, il l’avait prouvé chaque jour depuis leur arrivé ici.

On est pas devenu un peu trop dépendant de lui ? Imaginons qu’il lui arrive un malheur, on risque d’avoir du mal à nous en sortir, on se repose bien trop sur lui ! Ah, mais il a fait ses tablettes justement pour éviter qu’on se retrouve dans le pétrin au cas où cette situation se réaliserait… Maintenant que j’y pense, c’est le genre de personnage capable de t’inventer Skynet durant sa pause-gouter, il aurait pas finit par avoir des problèmes avec le gouvernement à cause de son génie ?

Il cessa de réfléchir à ces sottises qui n’avaient plus lieu d’être dans ce monde quand il arriva devant la porte de la maison. Le garçon l’ouvrit sans hésiter ni toquer, s’invitant impudemment chez son camarade.

Entre la dernière fois où il était passé et aujourd’hui, la pièce avait bien changé.

Autrefois encombrée d’innombrables babioles et autres choses plus ou moins importantes, elle était désormais impeccable. Une pile de tablette en bois parfaitement empilé trônait sur le bureau qui avait été dépoussiéré. Les fenêtres grandes ouvertes laissaient entrer une brise rafraichissante qui avait chassé l’odeur de renfermé qui semblait imprégner les murs jusqu’à hier.

–   It’s… different…

À peine ces mots échappés de ses lèvres et Jack se sentait déjà idiot de les avoir prononcés. Pas besoin d’être un génie pour s’en rendre compte, il suffisait simplement d’avoir des yeux pour remarquer la différence, et encore.

Sous l’escalier, un hamac était tendu. Le girothani balafré venait de s’en extirper. Il déposa sur la pile de tablette déjà bien haute celle qu’il tenait dans sa main griffue, se plaça devant les escaliers et reporta son attention sur les deux nouveaux venus. Il les étudia de son œil valide pendant quelques secondes, puis s’écarta sans même prononcer un mot, libérant le passage qui menait à l’étage.

Quelle étrange attitude… Il joue le rôle de videur ou comment ça se passe ? En tout cas, ses pieds ne correspondent pas du tout aux empreintes que j’ai trouvées. Je m’y attendais, mais avoir raison ne m’arrange pas tant que ça… Je me demande ce que Tom va penser de ce que j’ai découvert…

Les deux adolescents montèrent les marches quatre à quatre et se retrouvèrent au premier niveau.

C’était la première fois qu’ils le visitaient, mais l’austérité de la pièce était quelque chose d’un peu décevant.

Contrairement à la chambre d’Amélie dans laquelle des cloisons avaient été installé pour séparer les différents espaces, ici, tout était ouvert. Un lit était accolé contre un mur, directement en dessous d’une fenêtre. À la différence des chambres dans les dortoirs, Tom avait plus de place dans sa maison. Il en avait profité pour demander à Joseph de lui fabriquer un lit sur mesure, bien plus grand que ceux sur lesquels ses camarades dormaient. Il était actuellement vide, mais des habits en boule avaient été jeté dessus. Le centre de la pièce était occupé par un large bureau en forme de U qui faisait au moins deux fois la taille de celui du bas. Similaire à son petit frère, plusieurs piles de tablettes s’empilaient de manière ordonnée dessus, couvrant au moins la moitié de sa surface utilisable. Tom semblait s’en contenter puisqu’il y était accoudé, remplissant une tablette neuve de son écriture en patte de mouches. Sur leur gauche, la salle de bain était séparée du reste de la pièce par un simple panneau en bois. C’était Amélie qui avait obligé son camarade à l’installer, ne pouvant supporter l’idée qu’un homme et une femme puisse vivre sous le même toit en partageant leurs intimités de la sorte. De l’autre côté de la pièce, une gigantesque bibliothèque couvrait le pan entier du mur sur toute sa hauteur. Quelque centaines de tablettes encombraient ses étagères. Chacune possédaient une petite référence, inscrite sur la tranche épaisse du bois, qui permettait de les identifier rapidement.

Wow, c’est impressionnant ! Les deux tiers doivent dater d’avant notre départ, mais sa collection s’est encore agrandit ! Maintenant qu’elles sont rangées, on peut voir à quel point il a été productif… Je me demande si l’ancêtre des encyclopédies ressemblait à ça ?

Zoé interrompit les pensées du garçon en tiraillant sur son sac en fourrure. Les deux lapins restants qui s’y trouvaient encore s’agitèrent en retour, mais Jack les ignora et s’avança en se raclant la gorge.

–   It’s me, Jack… and Zoe is here too.

Tom se retourna et jeta un rapide coup d’œil sur ses invités avant qu’un large sourire n’étire ses lèvres fines. Il posa un doigt sur sa bouche, leur intimant à garder le silence, et s’approcha des deux adolescents pour qu’ils l’entendent murmurer :

–   Ah, Jack, je m’apprêtais justement à envoyer William te chercher, j’ai besoin de te parler d’un petit truc.

Le génie pointa du doigt vers un recoin sombre de la pièce. Jack regarda ce qu’il désignait et fut surpris en y voyant Will, adossé au mur, les yeux fermés.

Il a vraiment le don de passer inaperçu… Et je n’avais même pas remarqué sa présence !

Remarquant que c’était la première fois depuis un bout de temps qu’il avait vu le musicien pendant qu’il ne jouait pas d’un instrument, il sentit la curiosité prendre le contrôle, mais il parvint à se contrôler. Il avait quelque chose d’extrêmement important à dire à transmettre, il ne pouvait pas continuer à se laisser aller de la sorte !

Poussant un long soupir, le chasseur plongea son regard bleu dans celui, sombre, de Tom, et déclara avec une expression sérieuse :

–   Tom, I have something important to tell you…

Voyant son camarade prendre un air sérieux, le sourire de Tom se fana. Une tristesse et une peine immense semblèrent s’affichait dans les deux yeux sombre du génie pendant un instant, mais il remit un masque sérieux si vite que Jack n’était pas certain de ce qu’il avait vu.

–   Moi aussi, j’ai quelque chose d’important à te dire.

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3 commentaires sur “Pérégrinations en Monde Inconnu 17 : Là où l’on enquête

  1. Je vais pleuré ce chapitre et le précédent est juste…. Trop triste je sais pas si il va vraiment mourir surtout que c’est le perso principal mais j’ai failli pleuré franchement l’écriture est de mieux en mieux.
    Très bon chapitre continuez comme ça sami-sensei! 🙂

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    1. Ah… Ça fait plaisir à lire ! Merci !
      Par contre… je ne sais pas si je peux te dire que ça va aller mieux X’D
      Les trois derniers chapitres qui vont suivre et qui concluent le premier volume sont assez… sombre, comparé aux autres, donc bon, je ne peux que te prévenir x)

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  2. J’ai enfin comblé mon retard. Très bonne série, continue ! Will est aveugle, Jack a des troubles psychologique, Tom va bientôt mourir. Ils vont tous mourir dans d’atroces souffrance dans les 12 prochains chapitre. (Prozac, Ritaline, Valium, achetez nos antidépresseur). Will ne pourra plus voir les peintures de son frère (enfin si jamais il arrive à rentrer vivant).
    Sinon ils pêchent une petite centaines de poissons par jour, pour le moment ça va car les poissons sont en pleine migration. Mais après il va falloir qu’ils se lance dans l’élevage intensif de lapin cornu ou qu’il déménage.

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