Auteur : Zakkarin
Check : Yurane
Hum, ça fait quelques temps, non ? Puisque ce chapitres et deux autre encore ont été écrit il y a longtemps, je pense que c’est pas problématique de les publier maintenant au lieu d’attendre quelques années encore !
Si vous avez oublié l’existence de cette oeuvre et vous ne comprenez pas pourquoi il s’agit d’un deuxième prologue, et bien sachez que moi aussi j’ai oublié, je suis sûr qu’en lisant tout sera plus clair. Et si vous êtes des nouveaux, allez jetez un œil au SOMMAIRE, histoire de vous mettre au jus.
Sur ce, bonne lecture o/
“Ash ? T’as trouvé quelque chose ?”
Debout en plein milieu d’une forêt qui semblait n’avoir jamais été touchée par la main de l’homme, au sommet d’un monticule irrégulier, un grand garçon aux cheveux noirs coupés court lâcha la pierre qu’il tenait dans les mains. Elle tomba au sol et fut amorti par l’épais tapis herbeux. Elle roula quelques instants avant de s’immobiliser, révélant une surface recouverte de gravures aux formes étranges.
Le garçon qui venait de se faire appeler la fixa pendant un instant, cherchant une signification à toutes ces inscriptions, puis il détourna la tête et ses yeux verts se promenèrent sur les alentours, scrutant les environs afin de s’assurer qu’il n’avait rien manqué.
Il avait entendu la voix féminine aussi clairement que si son interlocutrice était à un mètre de lui, mais pourtant, il était seul. Bien que le décor sauvage aurait permis à une personne de se déplacer sans se faire remarquer, les hautes herbes et les gros buissons offrant des cachettes de fortune, l’oreille entraînée d’Ash ne captait que les pépiements des oiseaux et les feuilles qui bruissaient aux grès des vents. Si une personne s’était dissimulée non loin de lui, il l’aurait entendu.
Il porta sa main à son oreille droite, et d’une petite pression, activa la petite oreillette qui lui servait à communiquer avec son groupe.
“Négatif.”
La voix féminine résonna après un petit silence, un soupçon de déception parfaitement audible.
“Oh. Tant pis. On se regroupe au point de rendez-vous, on va faire une petite pause-déjeuner et on y retourne.
— Reçu.”
Ash répondit sur le même ton neutre qu’il utilisait constamment.
Il ramassa les outils qui gisaient à quelques pas de là, puis suivit les ordres de sa capitaine. Il lui fallait marcher au moins trente minutes avant d’atteindre le point de rencontre, la nature indomptée n’allait pas non plus lui faciliter la tâche, devoir se tailler un chemin à travers branches épaisses et plantes envahissantes à grand renfort de machette allait certainement lui rajouter plusieurs minutes de retard.
Alors qu’il donnait un énième coup dans un buisson récalcitrant, un juron s’échappa de son oreillette, rapidement suivit par des grognements. Après quelques secondes où le canal auditif d’Ash fut inondé par des insultes toujours plus originales les unes que les autres qu’il savait à destination de la végétation prépondérante, le flot de juron finit par se tarir et la voix grave se mit à formuler des phrases :
“Je commence à en avoir plein le dos, moi. Ça fait bientôt trois jours qu’on est sur cette putain de planète, à creuser dans le sol pour essayer de déterrer l’entrée d’un temple ou je-ne-sais-quoi. Le mec aurait pas pu employer des archéologues ? Ou même des chasseurs de trésors au lieu de venir nous voir, nous ?”
Un petit soupir exaspéré qui donnait l’impression d’avoir été répété un nombre important de fois se fit entendre, puis la voix de femme qui avait donné ses instructions s’éleva à nouveau.
“Sho, je te l’ai déjà expliqué un million de fois. On a été demandé personnellement. Tu sais très bien que j’aurais refusé si ça ne tenait qu’à moi, mais là, ça a été émis par une personne qui vaut mieux ne jamais contrarier. Et puis dans tous les cas, si tu veux vraiment laisser tomber, te gênes pas. Par contre ça veut dire que tu renonces à ta part de la récompense, et elle est plutôt juteuse pour le coup.”
Le silence qui suivit sa tirade fut ponctué par les craquements des branches qui se brisaient sous les coups qu’Ash assénait avec assiduité sur les plantes qui se dressaient sur son chemin. La voix de l’homme reprit sur un ton bien plus calme.
“Cela dit, même si je trouve ça absolument horrible de devoir me casser le dos et m’abîmer les doigts en creusant au hasard en espérant miraculeusement tomber sur des vestiges d’un peuple plus vieux que l’Impératrice de Zaalon, j’apprécie fortement le paysage fabuleux de cet océan d’arbre qui n’en finit jamais… Que de beauté dans ce décor qui donne presque l’impression de ne jamais avancer tant il est partout pareil. Je ne pourrais jamais te remercier autant, Ishia. Du fond du cœur, merci !”
Un nouveau soupir, beaucoup plus long, coupa court à Sho.
Chaque membre continua son chemin dans un silence qui dura quelques minutes. La voix de Sho se fit encore entendre, mais cette fois-ci, il ne semblait pas vouloir se plaindre.
“Vous savez que c’est apparemment sur cette planète que le très célèbre Bjorn a écrit sa pièce pour violon et flûte la plus connue ?”
Ash porta sa main à son oreille pour couper le son de l’oreillette, mais il stoppa son geste. Après trois jours à ne rien faire d’autre que remuer la terre, écouter Sho raconter une autre histoire ne lui paraissait même plus si horrible que ça.
Les sources d’où il tirait ses renseignements devaient être à peu près aussi crédible qu’un camé essayant de convaincre son interlocuteur qu’il avait besoin d’argent pour payer les médicaments de sa mère malade, pourtant, Sho parvenait parfois à attiser la curiosité de ses compagnons avec ses histoires à dormir debout.
Ces histoires étaient un bon moyen de passer le temps, et c’était actuellement une bonne distraction.
Parce que personne ne répondit rien, Sho prit le silence prolongé comme la manifestation silencieuse de leur intérêt pour l’histoire et continua :
“On dit qu’il l’a composé en une nuit, trouvant l’inspiration dans le ciel nocturne. Certains racontent même que la partition originale est annotée et que chacune des notes portent le nom de chacune des étoiles qui peuplent le ciel vu d’ici-bas. C’est pour ça que Ô Mélancolie, Mélodie Céleste parvient à faire ressentir autant d’émotion avec juste quelques secondes d’écoute. On ressent parfaitement la petitesse d’un individu confrontée à l’immensité de l’espace qui s’étend constamment.
C’est une pièce d’une simplicité terrifiante, c’est une conversation entre le violon, qui représente l’univers, et la flûte, qui représente l’individu qui découvre l’espace. L’ouverture met en scène le violon qui lance un appel à la flûte. Puis la flûte répond en exprimant sa fascination pour le violon, mais on peut également sentir la peine que la flûte ressent dans son impossibilité de rejoindre le violon. D’où la légère dissonance des premiers accords. Le violon continue à lancer ses appels, de plus en plus captivant et attirant, jusqu’à ce qu’on assiste à la sublimation de la flûte et qu’elle rejoigne le violon sur plusieurs mesures. On peut entendre dans la mélodie que tous deux se partagent une joie profonde, jusqu’à ce que la flûte glisse des accords mélancoliques dans sa mélodie, et à partir de ce moment, on va suivre le violon qui tente vainement de consoler la flûte qui se languit de son air d’origine. Alors que la flûte se fait de moins en moins entendre, son rythme devenant de plus en plus lent, le violon se déchaîne en essayant de redonner un souffle de vie à la flûte. Mais elle finit par mourir, et alors que le violon pleure et se lamente de sa perte, on revit une dernière fois les souvenirs de la flûte jusqu’à ce que le violon se remette à lancer ses appels, bien plus triste qu’au début cette fois-ci…
— C’est super intéressant tout ça, mais comment ce Bjorn a réussi à passer la sécurité de Vegex ? interrompit la femme qui donnait les ordres. Elle ne se donnait même pas la peine de cacher son scepticisme. Je suppose que tu connais l’histoire de cette planète, n’est-ce pas ? Après la disparition de la race intelligente locale, la compagnie Vegex l’a acheté pour exporter son air aux personnalités les plus riches qui ne savent que faire de leurs argents. Et à moins que tu l’ais oublié, ce qui m’étonnerai étant donné le mal fou qu’on a eu à passer la sécurité et s’infiltrer ici, ça tient du miracle qu’on a pas été repéré ! Alors explique-moi donc comment ce cher Bjorn a réussi à poser les pieds sur Psinerition sans se faire pourchasser par la horde de robot qui s’occupe du traitement de l’air, sans parler de la manière dont il a esquivé la cohorte de vaisseaux de sécurité qui sont en orbite. Sans parler du fait que récemment, Vegex a rendu la sécurité un peu plus lax qu’auparavant, donc ça devait être encore plus dur !
— Tu comprends rien, Ishia, Bjorn était plus qu’un simple pirate. C’était un musicien. À l’époque, où les pirates de l’espace commençaient juste à émerger, il était déjà le plus grand d’entre eux. S’il voulait aller quelque part, il y allait, rien ni personne n’aurait su se mettre en travers de son chemin !”
La capitaine émit un soupir si long qu’Ash se demanda si elle n’allait pas manquer d’air. Quand elle reprit, son exaspération était presque palpable.
“Sho… ça ne répond pas à ma question !”
Ash ignora la joute verbale qui avait commencé entre ses deux compagnons. En fait, il avait cessé de prêter attention à la discussion quand Sho s’était lancé dans son long discours sur le morceau de musique.
Il comprenait que les gens pouvaient éprouver une fascination extrême pour de l’art, mais ça le dépassait complètement. Les seuls moments où il écoutait de la musique, c’était quand il s’entraînait, mais même s’il passait plusieurs heures par jour dans la salle de sport, il se contentait de morceaux simples qui avait un rythme sur lequel il pouvait synchroniser ses mouvements durant ses exercices.
Ash ne voyait pas d’histoire dans les accords, il ne sentait pas d’émotions en entendant les notes, il se contentait d’écouter la musique pour rythmer ses mouvements.
C’est en pensant à la passion avec laquelle Sho s’exprimait quand il parlait de musique qu’Ash continua de tailler les branches qui se tendaient comme autant de mains griffues, bloquant son passage.
Alors qu’il donnait un ixième coup, la branche qu’il venait de couper net tomba au sol et révéla un nivelé un peu étrange, devant lui.
Les paroles d’Ishia lui revinrent en mémoire : « On cherche une ancienne structure ayant appartenue à l’espèce intelligente qui occupait cette planète. Selon les indications de notre employeur, elle se trouverait en plein centre du cratère de Fortune, le point d’impact de l’une des deux lunes de Psinerition avec l’astre qui lui a permis d’augmenter sa vitesse de rotation, de changer de quelques degrés son axe et de modifier son orbite pour en faire une planète viable. Le bâtiment était, selon des sources sûres, le plus grand de toute la planète, construit en pierre. Une fois qu’on sera posé, on va s’éparpiller et se mettre à creuser aux endroits qui semblent un peu étrange. J’ai une carte qui indique les endroits les plus probables, chacun aura plusieurs zones assignées. Des questions ? »
Quand elle avait expliqué le plan, Ash n’avait pas posé de question et s’était contenté de mémoriser la carte. Pourtant, il se demandait comment ils allaient faire pour déterrer à la main un bâtiment qui devait être enfoui sous des centaines de mètres de terre et de roche.
Selon les explications d’Ishia, la zone qu’ils recherchaient ne se trouvait qu’à quelques mètres seulement de la surface, elle avait donné à Albert, l’ingénieur de bord, plusieurs feuilles remplies de calculs. Il les avait observées pendant un moment avant de déclarer que ça ne semblait pas tiré par les cheveux.
Voir des feuilles entières de calculs avait poussé Ash à croire Albert sur paroles. À part les calculs mentaux et autres choses simples, les mathématiques avancées étaient la hantise du garçon.
Maintenant qu’il se retrouvait en face de cette zone surélevée, il avait la certitude qu’il avait trouvé ce qu’ils cherchaient. Pourtant, la zone n’était pas indiquée sur la carte, il le savait.
Sans vraiment comprendre pourquoi il était sûr de lui, il saisit sa pelle et se mit à chercher la partie la plus élevée de la zone.
Ash porta sa main à son oreillette.
“Ne m’attendez pas.”
Après avoir interrompu Ishia et Sho qui continuaient à se chamailler, il éteignit le système de communication sans même prendre le temps d’écouter la réponse du capitaine et il planta sa pelle dans la terre meuble.
– Ω –
Après plus de deux heures passées à creuser la terre dans le silence de la forêt où chaque coup de pelle résonnait et interrompait le chant des oiseaux, Ash se mit à penser qu’il venait de perdre du temps et de l’énergie à creuser dans un endroit qui n’était même pas indiqué sur la carte donné par l’employeur.
Découragé, il se releva dans le trou dont la profondeur dépassait facilement son mètre quatre-vingt. Il appuya son menton sur le manche de sa pelle et resta un moment à souffler.
Il ignorait d’où venait cette certitude qui l’avait poussait à se fatiguer inutilement, mais alors même qu’il était épuisé, affamé et exaspéré par cette mission, il continuait de croire qu’il était sur la bonne voie malgré son cerveau qui tentaient tant bien que mal de se prouver le contraire.
Le garçon avait enlevé son haut et les quelques rayons de lumières qui parvenaient à traverser l’épais dôme feuillu faisait luire sa peau couverte de sueur. Son torse aux muscles sculptés par des entraînements intensifs se soulevait et s’abaissait au rythme de sa respiration irrégulière.
Au fond de son trou, Ash s’apprêtait à en ressortir et à reprendre sa route pour retrouver ses compagnons et manger un morceau, mais quelque chose au fond de lui le poussa à rester et à approfondir son trou.
Poussant un long soupir qui lui vida les poumons, le garçon saisit à nouveau le manche de sa pelle et la replanta avec force dans le sol. Un bruit sourd résonna et le contact de son outil avec quelque chose de solide renvoya des vibrations dans les bras d’Ash à travers le manche de sa pelle.
En comprenant qu’il avait sans doute heurté ce qu’ils cherchaient sans répit depuis trois jours, il lâcha sa pelle, se mit à genoux et se mit à creuser autour de la chose qu’il avait touché.
Ash finit par déterrer une pointe de pierre trop parfaite pour être naturelle. La chose ressemblait à une pointe de lance de forme pyramidale, profondément ancré dans le sol.
Reprenant sa pelle, il se remit à dégager la terre pour avoir une meilleure vue de ce qu’il venait de découvrir.
Quelques minutes plus tard, il avait révélé une petite surface composée de pierres sombres empilées comme des tuiles. Il comprit immédiatement que la pointe de pierre devait être le centre de cette surface qui semblait être un dôme d’après la pente douce que la surface dégagée formait.
Il ralluma son oreillette et une voix qu’il reconnut immédiatement comme étant celle de Sha, le quatrième et dernier membre du groupe qui se trouvait sur le terrain.
“Poussin, je commence à en avoir assez de tes conneries, alors si tu ouvres encore la bouche pour raconter une autre de ces histoires de Bjorn ou je ne sais quel autre hurluberlu, tu peux être certain que tu vas dormir tout seul ce soir.”
La voix de Sho commença à donner des excuses sur un ton misérable, mais Ash le coupa, parlant avec le même ton inexpressif malgré le fait qu’il venait de mettre un terme à plusieurs jours de recherches infructueuses qui leur avaient sapé le moral.
“J’ai trouvé, position envoyé sur vos coms, oubliez pas la nourriture.”
Il s’extirpa de son trou et s’allongea sur le dos.
C’est en fixant le ciel à travers les épaisses branches qu’il attendit que ses compagnons arrivent.