Auteur : Mouton
Check : Faust
Il souhaite leur montrer qu’il peut mériter leur confiance.
L’adversaire de Creel avait reculé de plusieurs pas évitant ainsi son attaque. Un éclair avait frappé le sol, faisant vibrer la terre sous leurs pieds. Cependant, l’électricité ne parcourait pas leurs entrailles. Ce qui étonna son adversaire le plus, c’était l’apparence de Creel : après avoir utilisé son éclair, tout son corps s’en était enveloppé et ses cheveux volaient dans tous les sens, désormais bleu électrique.
– C’est un combat entre flamme et éclairs, on dirait, lâcha l’adversaire de Creel.
– Qui est le plus puissant, je me demande~… !
– Moi, Megira, je compte d’abord gagner contre toi, puis contre la fille qui attend gentiment dehors !
Le frère rigola et se frappa la cuisse. Il lâcha un sourire malsain en regardant son adversaire.
– Ma soeur, attendre sagement ?!!! Elle doit déjà être en train de chercher un moyen de défoncer ton mur de feu !!!
C’était effectivement ce à quoi réfléchissait Nyara. Elle n’osait pas s’approcher trop près, mais elle tentait de le pénétrer. Nyara hésitait à utiliser son katana pour traverser ce mur, mais c’était bien trop risqué. Si elle fonçait dans le tas et se brûlait, elle allait avoir du mal à s’en sortir vivante… Laisser Creel se battre seul était une solution bien moins risquée. Cependant, même si elle avait une confiance aveugle en sa force, cela ne lui garantissait pas pour autant la victoire. Il fallait envisager toutes les possibilités.
Elle ne laisserait pas son frère mourir.
Creel attendait que son adversaire fasse le premier pas et l’attaque. L’homme n’allait sûrement pas faire l’erreur de le sous-estimer. Les éclairs parcourant toujours son corps décourageaient Megira de s’approcher. Il ne savait rien de cet homme : il n’était là que pour le distraire tandis que son allié s’occupait du vrai travail. Il aurait aimé emprisonner la fille dans son mur de feu, mais il n’allait pas survivre bien longtemps, il le savait… Il pressentait toute présence aux alentours, alors si elle venait à s’enfuir, il pourrait carrément tenter de la pourchasser. Il n’était malheureusement pas si rapide, alors il devrait peut-être…
Il ne pouvait pas se laisser déconcentrer par son propre esprit. Il fixa attentivement l’homme aux cheveux mauves qui ne semblait pas vouloir bouger.
– Attendre que je fasse le premier pas…
Tel était la stratégie de son adversaire. S’ils ne se battaient pas, alors la fille allait peut-être trouver un moyen d’entrer — ce qui était presque impossible — ou comprendre que son allié ne se battait pas et partir à la rescousse de leur cible. Il n’avait donc pas le choix que—
– Que les flammes brûlent nos péchés.
— d’attaquer en premier.
Sahar arrêta de regarder le ciel grondant et se tourna vers le bâtiment. On aurait dit… une école. Il allait lui falloir deux, voire trois minutes de marche pour y parvenir. Pourquoi était-ce si loin de la ville ? C’était à peu près à la frontière entre la ville et l’extérieur, au milieu d’un triste vide. Le sol sous ses pieds était d’un gris déprimant et parsemé d’un sable fade. Tout autour de la ville s’étendait cette terre dégueulasse. Cela ne faisait aucun sens. Comment le climat et la nature changeaient-ils d’un seul coup, juste à l’orée d’une forêt ?! Il ne comprenait pas la logique de ce Monde. Il y avait des choses auxquelles il n’allait jamais pouvoir s’habituer… Il regarda le chauve devant lui en se demandant s’il avait le droit de poser des questions à propos de Kassumi. Il n’avait pas envie de paraître grossier non plus… Il observa le paysage désolé tout autour de lui, en se demandant où était Az…
– Et puis, qu’est-ce que c’était, cet éclair… ?
Il n’y avait presque aucun nuage dans l’océan aérien au-dessus de sa tête. Seul Etholys nageait paisiblement en envoyant ses rayons chauds sur Duzmog. Il était impossible qu’un éclair sorte du ciel sans se préoccuper de la météo ?!!
– Sauf si…
C’était le pouvoir de quelqu’un. Nyara n’avait pas cette capacité, alors soit c’était la présence qu’ils avaient senti, soit c’était… le frère de Nyara, Creel.
Après tout, Sahar ignorait tout de ses pouvoirs. Il était certain qu’il en avait un, mais lequel… ? Celui des éclairs ? Cela expliquerait ceci… Il arrêta d’y penser quand il sentit une main se poser sur son épaule. Il crut que c’était celle d’Azgoria, mais il put voir de façon matérielle la main posée sur lui. Il regarda l’habitant chauve avec un regard étonné.
– Tu as aussi entendu cet éclair, pas vrai… ? demanda-t-il.
– … Oui…
– Je me demande bien qui c’est, ça avait l’air plutôt proche !!
Sahar avait trouvé au contraire que le tonnerre avait retenti de plutôt loin. Il n’avait pas vu l’éclair en lui-même, juste entendu le tonnerre. L’homme lâcha l’épaule du garçon tout en gardant son sourire malfaisant et se tourna vers l’école. Il continua à marcher en restant aux côtés de Sahar. Ce dernier pinça des lèvres tout en baissant faiblement la tête. C’était plutôt… gênant. Il préféra ne pas rendre cette situation pire encore et se tut pendant le reste du trajet.
Ce fut en arrivant à quelques pas de l’école que Sahar remarqua qu’ils n’étaient pas seuls.
On pouvait voir des silhouettes bouger dans ce qui pouvait être une cour de récréation. Il fit signe à l’homme d’arrêter de bouger et il s’exécuta. Il lui fallut à peine une minuscule seconde pour comprendre l’ordre de Sahar et plisser les yeux. Des gens se trouvaient dans la cour de récréation… ! D’ici, il leur était impossible de savoir ce qu’ils faisaient. Le garçon aux cheveux blancs voyait au moins trois personnes de tailles moyennes. Un d’entre eux paraissait… petit. Un enfant… ? Sahar fronça les sourcils, dans l’impossibilité de dire ce qu’il se tramait là-bas.
Le garçon ne pouvait le voir, mais Az se dirigeait vers ces trois personnes. Vu qu’il y avait peu de gens pouvant le voir dans le Monde physique, il n’aurait aucun mal à s’approcher d’eux. Azgoria comptait observer et écouter les personnes dans l’école pour en apprendre plus. S’il s’agissait d’ennemis, il le saurait très vite et il préviendrait Sahar. Dans le cas contraire, alors il en avertirait le garçon avant de fouiller l’école. Il avait suivi les traces de pas, mais malheureusement, elles s’étaient terminées un peu plus tôt… Il n’avait donc plus aucune piste exceptée l’école. C’était comme si la personne… s’était envolée. Ne plus laisser de traces comme cela, en plein milieu de cet endroit vide… Certes le bâtiment n’était pas si loin, mais il était impossible de l’atteindre juste en sautant. De la téléportation ? Si c’était le cas, pourquoi ne pas l’avoir utilisé plus tôt… ? Az était presque arrivé à l’école. Les trois gens devant lui papotaient entre eux. Il allait savoir si c’était eux qui avait commis ce crime…
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Az ouvrit grand les yeux. Son cœur rata un battement et ses sens se mirent tous en alerte.
On le regardait.
On le regardait.
Il courut vers Sahar et le chauve le plus rapidement possible et arriva à côté du garçon en quelques secondes. Il avait fait le moins de bruit possible, mais l’habitant l’avait probablement entendu arriver. Sahar se tourna vers sa gauche, étonné d’avoir entendu Azgoria venir si brusquement. Il avait comme foncé comme une flèche jusqu’à lui… Ne devait-il pas faire attention à ce que l’homme à côté ne le remarque pas… ? Le chauve tourna la tête vers Sahar.
– C’est toi qui as fait ce bruit ? demanda-t-il.
– Oui, pardon… mentit le garçon en souriant.
Le chauve secoua la tête. De ses yeux bruns, il regarda attentivement le garçon avant de se lever.
– Je vais contourner l’école pour tenter de les avoir par derrière, expliqua l’homme. Si ça se trouve, ils ne sont pas que trois, aussi…
Sahar acquiesça et le laissa partir. Il attendit quelques secondes avant de parler avec l’homme qu’il ne pouvait toujours pas voir.
– Az…—
– On m’a regardé.
Sahar lâcha un « Hein… ? » en ouvrant grands les yeux. Bouche bée, il ne sut quoi dire.
– Ce n’est pas Nyara ou Creel, mais quelqu’un du groupe devant. Il y en a un qui peut me voir.
Azgoria tremblait, c’était audible dans sa voix. Était-ce si effrayant de savoir que l’un d’entre eux pouvait le voir… ? Sahar lui demanda. Il lâcha un petit rire nerveux.
– Pour me voir, il faut soit remplir une certaine condition, soit être « comme moi », soit être dans un contrat… Dans tous les cas, ça s’annonce mal. Sahar, je pense que tu devrais laisser tomber.
Sahar ne sut quoi dire. Il ne comprenait absolument rien à ce que racontait l’homme. Contrat ? Comme moi ? Quelle condition ? Toutes ses paroles ne faisaient que rajouter des questions dans le cerveau du garçon. Il serra le poing.
– Je suis trop faible pour m’occuper de ma propre famille. Extermine celui qui a provoqué cette explosion.
Sahar ferma les yeux et finit par secouer la tête.
– Non.
– Si quelqu’un là-bas peut me voir, tu n’as aucune chance de surv—
– Je ne compte pas fuir.
– Sahar, laisse tomber ta fierté et revient au village !! Je reste pour les surveiller, on doit attendre le retour de Nyara et de Creel !!
Sahar se leva et partit de la direction opposée du chauve. Il allait contourner l’école de l’autre côté. Il sentit quelque chose se poser sur son dos et tomba violemment sur le sol. Sahar lâcha un petit cri de douleur.
– Tu veux MOURIR ?
Az, qui était posé sur lui, lui lâcha ces mots. Sahar frappa le sol de son poing.
– Non !! Mais je ne veux pas fuir !!
– Qu’est-ce que ça te fait ?!! On va les attraper, mais je ne te laisserai pas mourir, idiot !!
– JE NE VAIS PAS MOURIR !!!
Il s’énervait l’un sur l’autre sans baisser le ton de leur voix. Leurs émotions s’entrechoquaient furieusement.
– Tu n’as aucune chance de survie s’ils te trouvent !!! hurla Az. Tu ne comprends pas—
– ON A CONFIANCE EN MOI !!!
Sahar revoyait le visage de la femme qui pleurait. Incapable de protéger les siens, elle ne pouvait plus supporter d’être aussi faible. Désespérée, elle avait demandé à Sahar d’éliminer les criminels qui en voulaient à sa famille. Elle avait confiance en Sahar.
– J’EN AI MARRE D’ÊTRE FAIBLE !!!
Az grinça des dents en serrant les poings, ces derniers qui tenaient le manteau de Sahar.
– Je veux vous être utile, bordel !! ragea le garçon.
– Tu peux l’être, mais là tu cours vers ta mort !!!
– JE—
Sahar se fit couper dans sa phrase.
Coupé par la gifle d’Az. Il s’arrêta de parler, les yeux grands ouverts regardant le sol. L’homme rapprocha le manteau de Sahar vers lui.
– JE FAIS QUOI SI TU MEURS, MOI ??!!!
Sahar regarda devant lui, là où il devrait avoir Az.
– ET NYARA, TU PENSES À ELLE ???!!!!
– ……….
– TU PENSES À LA TRISTESSE QUI LA RONGERA ??!!!
Le garçon ne dit rien. Il n’avait rien à répliquer.
– TU PRÉFÈRES MOURIR QUE DE RESTER AVEC NOUS ???!!!
Sahar baissa le regard, ses mots bloqués dans la gorge.
– LES GENS N’AURONT PAS CONFIANCE EN TOI SI TU MEURS !!!
Il lâcha Sahar et sa tête cogna contre le sol. Malgré la douleur, il ne réagit pas. Il se contenta de rester coi. C’était la première fois…
… qu’on le calmait lorsqu’il était enragé.
Ses émotions enveloppaient son corps et le dirigeaient, ne laissant pas Sahar, hôte de sa chair, décider de ses mouvements, de ses actions et de ses mots. Il fallait toujours attendre que Sahar se calme, que ses émotions et ses sentiments lui laissent le contrôle pour le calmer.
Mais les mots d’Azgoria avaient été plus forts que ce qu’il pouvait ressentir en lui.
Sahar ferma les yeux, une boule dans la gorge. Que devait-il répondre ? Non… devait-il réellement répondre ? Il n’avait rien à dire, rien à répliquer : Azgoria avait juste entièrement raison.
Emilia faisait confiance à Az pour trouver le criminel de Mathéo, celui qui s’est livré à cet acte de terrorisme à l’intérieur de Kassumi. On lui faisait confiance pour accomplir des choses.
Mais se jeter dans la gueule du loup était-il vraiment une solution ? Risquer sa vie pour prouver qu’il pouvait se montrer utile était-il intelligent ? Il n’avait qu’une seule vie. Il n’était pas immortel et ne pouvait pas recommencer à zéro s’il mourait.
Tout ça pour prouver aux autres qu’ils avaient le droit de lui faire confiance, il allait se mettre en danger alors qu’Azgoria lui faisait bien comprendre qu’il se jetait dans les bras de la Mort. Ce n’était pas un acte courageux : c’était juste de la stupidité.
Sahar frappa le sol de nouveau avec ses poings en jurant. Il s’assit, ne sentant plus l’homme sur son corps. Az, toujours sur les nerfs, lui parla à nouveau, plus calmement.
– Je suis juste inquiet. Je comprends pourquoi tu agis comme ça, mais si je te laisse mourir, Nyara sera très triste. De plus, tu es… tu nous es quand même important, même à Creel et à moi, expliqua l’homme de façon posée.
Sahar ne répondit rien, les yeux rivés vers l’école. Là-bas se trouvaient le ou les terroristes. Ils avaient tué Mathéo ainsi que d’autres habitants. Leur raison était inconnue, mais Sahar s’en fichait : tuer des gens innocents était impardonnable. Il regarda devant lui, là où se trouvait Az.
– … Je veux aider.
– Tu peux aider en ne mourant pas.
– Pourquoi je suis si faible…
– Tu deviendras fort, mais tu ne le pourras pas si tu meurs aujourd’hui. Ni demain. Reste à nos côtés et tu pourras un jour devenir, toi aussi, une goutte dans ce Monde.
Sahar ne comprit pas la fin de la phrase d’Az, mais il s’agissait probablement d’un proverbe de ce continent. Le garçon soupira, écartant l’idée de chercher le tueur. Az ne semblait pas convaincu de pouvoir protéger Sahar, alors il n’avait pas le choix. Cependant…
– … Je ne peux vraiment rien faire ? demanda le garçon.
Az prit du temps à répondre.
– Vu que tu n’as pas de pouvoir, il est compliqué de te sentir, lâcha Az. Tu pourrais aller leur parler comme si tu te promenais juste et il n’aurait pas peur de toi, vu que ça se sent que tu n’as rien en toi. Après—
– Alors je fais ça.
Az serra les poings à nouveau.
– Tu n’as rien retenu de ce que j’ai dit… ?!
– C’est toi qui me dit tout ça.
– Pour te rassurer et t’expliquer que tu peux être utile même sans pouvoir ! C’est des terroristes qui ont tué des gens il y a quelques minutes ! Ils en ont sûrement rien à foutre que tu sois sans pouvoir, c’est ce que j’allais te dire !!
– Je peux les espionner facilement.
– Qu’on ressente ta présence ou pas, s’ils sont assez puissants ils te sentiront facilement ! Sahar, laisse tomber.
– Et le chauve qui est parti tout seul ? On le laisse tomber ?
– Oui. Il va s’en sortir seul, c’est bon. Sinon, si je sens que quelque chose ne va pas, j’irai le voir.
– …… Je reste avec toi.
– SA—
– Je ne vais pas aller les voir, mais je ne te lâche pas. Je suis plus en sécurité avec toi que dans la ville. Même si je dois ressortir de cet endroit avec des blessures partout sur le corps, je ne compte pas rester sans rien faire.
– … Tu ne sais pas ce que tu racontes.
– J’arrive pas à placer mes mots correctement, mais tu me comprends. Si tu vas vérifier que c’est eux, je viens. S’il doit avoir un combat, je m’enfuis le plus rapidement possible.
– Ils sont probablement plus rapides que toi.
– Je ne changerai pas d’avis.
Az soupira. Quoi qu’il dise…
Après réflexion, il finit par accepter. S’il laissait Sahar sans protection, même avec les habitants avec lui, il avait plus de chance de mourir que s’il restait à ses côtés… Az avait plus de chance de protéger le garçon que quiconque ici. Le problème était qu’Azgoria voulait savoir qui étaient ces criminels. S’ils pouvaient le voir, alors il ne fallait pas les sous-estimer ; il fallait clairement les craindre. Il avait senti une personne l’observer, alors il y avait des chances pour qu’un seul de ces humains ait cette compétence. Il regarda Sahar.
– Dès que je te dis de partir, si je sens que c’est trop dangereux, tu cours le plus rapidement possible, lâcha Az. Si tu veux te rendre utile et montrer que tu n’es pas faible, alors montre que tu sais aussi utiliser ton cerveau.
– En t’écoutant ?
– En m’écoutant. Quelqu’un de plus faible qui sait écouter les conseils de quelqu’un de plus fort est forcément une personne sachant suffisamment utiliser son cerveau pour être utile.
Sahar ne comprenait pas entièrement Azgoria et ses dires, mais il acquiesça. Son but actuellement dans ce Monde, c’était de rester aux côtés de Nyara et des deux autres et de vivre une aventure. Il voulait… les remercier de lui donner cette chance d’être ici, protégé par des personnes amicales et intéressantes. Il voulait leur être utile et devenir un jour fort. Il…
Il souhaitait être leur ami et leur prouver qu’il méritait de l’être.
Nyara regarda le mur de feu en soupirant. Elle espérait…
… que Sahar se portait bien.
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