Le Voyage de Moah – Chapitre 01

Auteur : Ben Ornau
Check : Miss X


Le Voyage de Moah débarque sur le site avec son premier chapitre suivi de près par un second, demain, pour lancer les choses.

Merci à Miss X pour le check et aussi au reste de l’équipe de Soreyawari & Co.


Le bout du tunnel

 

Il faisait nuit sur la route.

La lune était cachée par les nuages mais, par ci par là, on pouvait voir quelques étoiles dans le ciel.

Les seules choses qui perçaient vraiment l’obscurité étaient les phares de ma voiture. C’était une vieille 306 dont la carrosserie blanche rouillait à certains endroits. Les fauteuils sentaient la poussière et la lumière des phares avait une teinte jaunâtre en comparaison des modèles plus récents. Malgré tout j’aimais beaucoup ma caisse. Je l’avais achetée d’occasion il y avait 4 ans quand j’avais fêté mes 19 ans.

À l’époque, ma grande tante avait encore trouvé quelque chose à redire.

« Avec toutes les réparations, elle finira par te coûter plus chère qu’une neuve ! », avait-elle dit.

Même si elle n’avait pas complètement eu tort, elle était (comme souvent !) passée à côté de ce qui était important pour moi. J’avais acheté cette voiture sans l’aide de personne avec les économies de mes petits boulots et c’était ce qui lui donnait tant de valeur à mes yeux. Ce qu’elle représentait c’était la preuve que j’étais capable de me débrouiller dans la vie. De faire mes propres choix et de les assumer.

Beaucoup de gens prenaient ça pour de l’entêtement et des proches essayaient parfois de me raisonner en me disant que je n’avais rien à leur prouver. En mûrissant un peu je m’étais rendu compte que la seule personne à qui j’essayais de prouver quelque chose c’était moi-même. À force de vouloir tout accomplir par soi-même on finit par s’isoler un peu des autres et apparaître comme bien plus solitaire qu’on ne l’est vraiment.

Quand j’étais sorti du lycée j’avais décidé de prendre un nouveau départ en quelque sorte. De faire table rase de mes vieilles habitudes et de ne pas me comporter comme les autres l’attendaient habituellement de ma part. J’étais devenu plus sociable et plus à l’aise dans mes pompes qu’avant, mais mes relations plus intimes étaient encore un peu compliquées. Une de mes ex m’avait qualifié de « émotionnellement indisponible » ce que j’avais prétendu ne pas comprendre à l’époque. Bien sûr je savais qu’elle faisait allusion à ma situation familiale et au fait que j’évitais le sujet avec une habilité remarquable.

Ma famille n’était pas vraiment tabou pour moi mais quand on raconte une tragédie de ce genre le regard des gens change et ils se mettent à faire attention à ce qu’ils disent autour de vous. C’était des intentions louables mais cela me procurait un sentiment étouffant de les voir marcher sur des œufs au lieu d’oser poser directement la question. Avec mes exs c’était souvent pire, parce que quand elles apprenaient que j’étais orphelin depuis mes 13 ans un soudain besoin de me « sauver » naissait en elles. Me sauver de quoi ? Je ne l’ai jamais vraiment compris. Perdre mes parents à un si jeune âge avait laissé une marque évidemment. Mais j’avais appris à vivre avec et pour moi cela me rendait différent, pas « cassé ». C’était souvent ça qui était dur à faire comprendre aux autres.

C’était ma grande tante, Adélaïde, qui m’avait accueilli chez elle il y avait bientôt 10 ans. Elle n’avait jamais été douée avec les enfants mais je n’en étais plus vraiment un après la mort de mes parents. On formait une famille à notre manière et j’étais venu vivre dans sa maison à la campagne.

Ça faisait pas mal de temps maintenant que je vivais dans une résidence universitaire mais j’essayais de lui rendre visite régulièrement. Comme ce week-end ci.

Ce soir elle avait encore trouvé le moyen de ronchonner sur tout et n’importe quoi. J’écoutais souvent ces complaintes d’une oreille amusée mais j’avais ma limite. Plutôt que de passer la nuit à la maison j’avais prétexté des partiels à préparer pour pouvoir m’esquiver après le dîner. Je culpabilisais un peu de mentir comme ça à la personne qui m’avait élevé durant ces 10 dernières années mais qu’est ce qu’elle pouvait se montrer usante quand elle le voulait.

Après m’être occupé de la vaisselle et avoir fait une bise à Adélaïde j’avais pris mes affaires et j’étais parti pendant que le jour commençait à disparaître.

Il était tard maintenant mais conduire de nuit ne me dérangeait pas. J’avais ouvert ma fenêtre et je profitais de l’air frais de la campagne qui s’engouffrait à l’intérieur de l’habitacle.

J’en avais pour au moins deux heures jusqu’à ma résidence universitaire si je ne passais pas par l’autoroute. Entre gagner 1 heure ou économiser 12€ le choix avait été vite fait et c’est pour cela que je me retrouvais seul sur les routes tortueuses.

« Le premier à avoir dit : Le temps c’est de l’argent, ne devait pas avoir pensé à ce genre de situation. » me disais-je pour plaisanter.

Je ne le savais pas encore mais 100 mètres après ce petit village que je traversais il allait se produire une chose qui changerait tout dans ma vie.

Il me restait la moitié de la route à faire jusqu’à mon chez moi et je roulais tranquillement sur une nationale traversant une petite forêt. La route tournait à gauche et à la sortie du virage je fis une rencontre décisive.

Un chevreuil et ce qui semblait être son petit se trouvaient au milieu de la route. L’approche d’une voiture aurait dû les effrayer mais le virage avait caché mon arrivée et plutôt que de bondir hors de la route les deux animaux s’étaient figés de peur.

Surpris, je braquais d’un coup sec à droite pour éviter les deux animaux. Je n’ai pas vraiment eu le temps de réfléchir et j’avais agi par réflexe.

Ma voiture sortit de la route et frôla un arbre du bas-côté. Je poussais de toutes mes forces sur la pédale du frein, mais je perdis le contrôle. L’impact contre un talus et la vitesse me projetèrent avec mon véhicule à quelques mètres au-dessus du sol. Des petits arbres se brisèrent au passage avant que l’on retombe au sol en faisant plusieurs tonneaux pour finir notre course contre un arbre.

La voiture était immobile, je le sentais. J’entendais mon cœur battre à toute vitesse dans ma poitrine et l’adrénaline me donnait comme des picotements dans tout le corps. J’ouvris les yeux et mis quelques secondes à comprendre ce qu’il s’était passé. J’avais du mal à respirer. J’avais pris le volant en plein sternum durant l’accident et ça m’avait coupé le souffle.

« Je viens d’avoir un accident ! Oh merde! »

L’état de choc de cette constatation me fit légèrement délirer et je me mis à penser à des choses insignifiantes comme le prix des réparations que ça allait me coûter ou si j’avais encore des pansements dans mon studio. J’avais envie de rire, de pleurer et de hurler en même temps, mais le seul son qui sortait de ma bouche était un râle de douleur.

Je commençais à reprendre mon souffle et le choc de l’accident s’estompait au fur et à mesure que ma respiration se faisait plus régulière.

L’intérieur de la voiture était sans dessus-dessous, pendant les tonneaux la boite à gants s’était ouverte et tout son contenu s’était répandu. Le pare-brise était fissuré de toute part et les deux vitres avant s’étaient brisées pendant les tonneaux. À l’extérieur je ne voyais pas grand-chose, seul un phare de ma voiture fonctionnait encore et seulement de manière intermittente.

Aucune trace des chevreuils aux alentours. Ils avaient dû s’échapper.

« Bonne nouvelle pour eux. Aouch ! »

Mon rétroviseur centrale était encore là et je pouvais voir que j’étais blessé sur la tempe gauche. Un peu de sang coulait et donnait une couleur sombre à mes cheveux châtains. Mon œil gauche aussi était injecté de sang tandis que le droit avait gardé sa couleur verte naturelle.

L’état de choc commençait à se dissiper mais il fut vite remplacé par la douleur. Elle venait de tout mon corps en même temps. Je baissa les yeux et malgré l’obscurité je vis que ma jambe gauche était broyée contre la portière. Ce spectacle me mit les larmes aux yeux et je laissait un sanglot s’échapper en même temps que la peur s’emparait de moi. Je détournais mon regard et fis de mon mieux pour ne pas céder à la panique.

« Cela ne sert à rien de paniquer, il faut que je garde mon calme. » Me répétais-je.

Le sang coulait abondamment de ma jambe et je tentais désespérément de stopper l’hémorragie avec mes mains. J’avais froid et j’avais du mal à réfléchir. Tout mon corps était lourd et je me sentais fatigué. Mes forces m’abandonnaient et peu importe la pression que je mettais sur ma jambe je voyais le sang passer entre mes doigts comme une bassine qui déborde.

Je fis de mon mieux pour ne pas sombrer mais même la peur qui me prenait aux tripes n’arrivait pas à me maintenir conscient. J’étais frigorifié et j’avais sommeil.

Il faut juste que je tienne encore un peu, quelqu’un avait dû m’entendre et arrivait avec des secours.

Il faut juste que je tienne encore un peu plus pour leur donner le temps d’arriver.

Il faut juste que …

« S’il vous plaît, quelqu’un. »

Il y avait une petite lumière toute proche qui était apparue. Une lumière chaude, loin de la peur et de la douleur. La lumière semblait loin, comme au bout d’un tunnel mais elle n’avait pas l’air hors d’atteinte. Peut-être que je pouvais attendre dans la lumière que les secours arrivent. Laisser la douleur et le froid ici.

J’étais en train de parcourir le tunnel. Plus j’avançais et plus je me sentais bien. La lumière était de plus en plus grosse et m’entourait presque entièrement.

C’est ce moment qui changera tout dans ma vie car ce moment est celui où je suis mort.

Une fois dans la lumière je ne sentais plus mon corps. Je me sentais plus léger et mon esprit était plus clair. J’étais apaisé et dans la lumière je regardais danser les images de toute ma vie.

Je me voyais enfant à dire que plus tard je voudrais être inventeur. Ce n’avait été qu’un rêve de gosse mais je ne l’avais jamais complètement oublié. Il s’était juste transformé avec le temps. Dans un an j’allais obtenir mon diplôme d’ingénieur … ou plutôt j’aurais pu, si je n’étais pas mort.

« Au moins je n’ai plus à me soucier des exams. »

Il y avait aussi les images des après-midi que j’avais passé avec Baptiste dans l’atelier de la ferme de sa famille. Baptiste avait été mon meilleur ami pendant des années mais les études nous avaient éloignés l’un de l’autre. Chacun à la poursuite de son propre rêve dans des villes différentes nous n’étions plus aussi proches qu’avant, malgré nos efforts.

Je voyais mes parents aussi et le magasin de mon père. Le petit coin de vitrine où, enfant, je prenais mon goûter en regardant passer les gens dans la rue.

En revoyant ma vie, je me dis que je ne l’aurais pas vécue autrement mais que j’aurais tellement voulu qu’elle dure plus longtemps.

J’aurais voulu plus de temps.

Du temps pour apprendre de nouvelles choses.

Du temps pour voir le monde qui s’offrait à moi.

Du temps pour me lier aux gens qui m’entouraient.

Du temps pour se réjouir de ce qui est joyeux.

Et du temps pour guérir de ce qui est triste.

C’est à ce moment-là que dans la lumière je remarquais une petite pierre étrange. Elle était parfaitement ronde avec des gravures tout autour. C’était un objet curieux que je n’avais jamais vu avant mais qui m’attirait vers lui. Sans trop réfléchir je plongeais sur lui persuadé que c’était la chose à faire.

Bébé blob vient de naître

    « Hein ! »

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2 commentaires sur “Le Voyage de Moah – Chapitre 01

  1. Yo ! Je passe en coup de vent 🙂 Ton chapitre est fluide, les mots « coulent », c’est très agréable ! Le rythme est calme, ce qui va avec tes descriptions et les émotions que tu as essayé de transmettre, son assez bien véhiculé, en bref c’est un très bon début ! 😀 (Ton analogie finale rajoute un côté dramatique)

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