JIM – Chapitre 49-2 : Interlude V

Auteur : Vhail
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Bonjour à tous. Second interlude de l’arc 2. La suite la semaine prochaine. Who might be the little girl ? Bonne lecture.


 

Trois ans, quatre mois et vingt-deux jours s’étaient écoulés depuis qu’Amine était venu sur cette planète pour chercher l’arme que Nenato avait forgée pour lui. Ce dernier sentait que ses forces diminuaient de plus en plus. Il avait consulté de nombreux médecins afin de trouver un remède à son état mais tous avaient été catégoriques, dans l’état actuel des choses, personne ne pouvait le soigner.

Il s’était donc attelé à sa tâche principale consistant à cacher dans différents univers les sphères de pouvoirs qu’il avait forgées dans les cristaux les plus purs récoltés lors de ses nombreux voyages. Le temps sur cette planète s’écoulait plus vite que dans la plupart des univers et un an correspondait grossièrement à six mois. Si pour Nenato un peu plus de trois ans s’étaient écoulés, pour Amine et ses commanditaires, cela équivalait à un an et demi. Cet écoulement non parallèle du temps laissait encore au forgeron quatre ans devant lui, et selon sa mesure du temps, pour finir cette tâche.

Il comptait dissimuler l’une des deux sphères restantes sur cette planète, sous le nez de ceux qui voulaient sa mort mais pour cela, il devait trouver l’endroit le plus approprié. Il sortit de sa grotte et resta sur le seuil à admirer le paysage qui dévoilait toute sa majesté sous ses yeux. Une pente douce enherbée descendait depuis sa demeure et donnait sur une vaste plaine parcourue par un large fleuve qui prenait sa source dans les montagnes à l’est. En cette période de l’année, un épais brouillard dévalait les pentes de ces monts aux sommets enneigés qui recouvraient la plaine pour ne se lever que lorsque le soleil atteignait son zénith. La plus petite des trois lunes gravitant autour de la planète chassait cet astre incandescent tout au long de la journée avant de laisser sa place à ses deux consœurs pour illuminer la nuit.

A l’ouest, le fleuve poursuivait sa course pour se perdre dans une forêt dense, assurant un repère fiable à qui voulait rejoindre la mer de manière certaine. La ville qui s’était bâtie sur les abords de ce serpent argenté pouvait ainsi jouir des ressources minérales des montagnes, de la faune et de la flore sauvage des bois ainsi que de la fertilité des sols comme en témoignaient les nombreux pâturages, champs céréaliers, vergers et plantations de légumineuses s’étalant entre la grotte et elle-même.

Nenato commença à se diriger d’un pas lent vers cette ville fluviale. S’il devait bientôt mourir, il allait profiter au maximum de ses derniers instants dans ce cadre de vie si paisible qu’il avait choisi. Cet endroit l’avait particulièrement charmé lors de ses voyages dans le multivers et il avait décidé d’y installer sa forge car il lui rappelait sa bonne vieille Terre natale, en ayant cependant l’avantage non négligeable qu’il pouvait passer pour un homme ordinaire et n’était pas vu comme l’un des plus grands forgerons de tous les temps chaque fois qu’il se déplaçait.

La ville avait quand même profité directement des conséquences de son installation dans la région. D’un modeste village vivant de la pêche et d’une agriculture à petite échelle avait émergé une grande ville prospérant grâce au tourisme et au passage des aventuriers désireux de tenter leur chance auprès du forgeron pour lui demander de leur créer une arme, une armure ou toute autre pièce d’équipement métallique personnalisée nécessaire à leurs missions. Les déçus de la rencontre avec Nenato se rabattaient sur les artisans ayant ouvert une échoppe dans la ville tels des rapaces prêts à exploiter n’importe quelle faiblesse. Tous les gens du métier connaissaient les critères draconiens du forgeron et se livraient à une concurrence féroce pour contenter les aventuriers, nobles et autres clients en tous genres s’étant faits rejeter.

Une antenne secondaire de la guilde avait ouvert ses portes rapidement lorsque les hauts gradés de l’organisation avaient eu vent de l’expansion fulgurante de la cité. L’agitation avait été causée par le fait que le temps s’écoulait deux fois plus vite sur la planète qu’ailleurs dans les différents univers donc pour les observateurs extérieurs, l’évolution et l’expansion de la cité avaient été encore plus rapides que dans les faits.

Pour se rendre à la ville, Nenato devait marcher entre une et deux heures suivant son allure et ce jour-là, le temps de trajet serait plus proche des cent vingt minutes. Le vent doux de ce début d’après-midi courbait les épis dans les champs de céréales, les faisant danser au gré des changements de direction de la brise, alors qu’il progressait sur le chemin pavé bordé par deux murets servant à délimiter les parcelles les unes des autres et dont les pierres imbriquées entre elles à la perfection s’affranchissaient ainsi de l’usage de mortier.

Bien que la fertilité des sols soit une des raisons majeures de la richesse agronomique de la région, la magie liée à la nature que manipulaient ses habitants jouait aussi un grand rôle. Ce peuple autochtone était profondément pacifiste de nature mais, si les circonstances l’exigeaient, ils pouvaient se révéler être de redoutables et efficaces combattants. Leur magie était directement liée à ce pacifisme apparent car chez l’écrasante majorité de ces personnes, elle se manifestait en aidant à la croissance des cultures et à l’épanouissement de la vie animale et végétale.

Cette magie avait aussi marqué l’évolution de l’espèce, les Arasiens, en les dotant d’une peau verte capable de photosynthèse, mécanisme d’urgence pour l’espèce dans le cas où les éléments se déchaineraient et provoqueraient des famines. Ces évènements aussi violents qu’imprévisibles avaient mené plusieurs fois l’espèce au bord de l’extinction mais elle s’en était à chaque fois relevée plus forte et ce caractère héréditaire était le dernier en date à être apparu quelques six cents ans plus tôt. En plus de cette couleur de peau particulière, cette espèce se distinguait par de grands yeux ronds, de longues oreilles pointues et une concentration particulièrement élevée de terminaisons nerveuses aux extrémités de leurs quatre membres. Ceci leur permettait une perception accrue de leur environnement et une affinité particulière dans la manipulation de la magie.

Nenato s’approchait peu à peu de la ville qui se dessinait de plus en plus nettement à mesure que ses pas le portaient dans cette direction. Au long de sa route, il croisa de nombreuses personnes qui travaillaient dans les champs afin de fournir à la ville le meilleur approvisionnement possible en nourriture. Il pénétra enfin dans les faubourgs de la ville sans avoir à s’inquiéter d’éventuels contrôles par des gardes puisque, la région étant suffisamment paisible, les autorités de la ville n’avaient pas eu la nécessité de la protéger par une enceinte fermée. Ces faubourgs rassemblaient principalement les habitations des paysans et des artisans avec quelques échoppes.

Plus loin dans la ville se dressaient les bâtiments construits pour le tourisme : auberges, boutiques d’artisans de renom, le bâtiment de la guilde et l’hôtel de ville qui avait dû être déplacé pour pouvoir l’agrandir afin d’accueillir tous ces nouveaux venus ayant besoin des services qu’ils pouvaient offrir. Ces deux zones encerclaient le vieux quartier de la ville, l’ancien village avant l’installation de Nenato dans la région. Si certains bâtiments avaient été gardés tels qu’ils étaient à l’origine, une grande partie de ceux bordant le fleuve avaient été rasés sur la rive sud afin de laisser la place à un immense marché à ciel ouvert, approvisionné tous les jours par les produits de la pêche dans le fleuve et par ceux des cultures aux alentours de la ville. La rive nord avait vu fleurir quantité de bâtiments industriels cherchant à tirer profit de la force immense générée par le déplacement de ces milliers de mètres cubes d’eau par seconde.

Comme à son habitude lorsqu’il se rendait en ville, ses pas le conduisirent en premier lieu vers l’orphelinat de la ville. Il l’avait fait construire à l’aide de ses fonds propres car il n’avait lui non plus jamais connu ses parents et un orphelinat sur Terre lui avait offert une famille de substitution, embellissant grandement son enfance. Il avait donc souhaité que les enfants abandonnés de la région puissent à leur tour bénéficier de ces bienfaits. L’orphelinat était une grande bâtisse en pierre de deux étages avec un jardin à l’arrière.

Lors de la dernière visite de Nenato quelque mois plus tôt, il accueillait une dizaine d’enfants. Le forgeron se demandait si certains avaient été adoptés depuis et espérait qu’il n’y ait eu aucun nouvel arrivant. Être abandonné par sa famille était une chose terrible et traumatisante pour un enfant. Les portes de l’orphelinat n’étaient jamais verrouillées durant la journée aussi il pénétra dans le bâtiment sans frapper à la porte, une habitude qu’il avait prise au cours de ces années à venir visiter l’endroit. Cependant, il s’arrêta net sur le seuil de la porte. Aucun son n’était audible à l’intérieur ce qui était extrêmement inhabituel. Quelque chose clochait. A cette heure de la journée, les enfants avaient fini leurs cours et avaient du temps libre pour jouer avant le repas du soir, leur chahut se répercutant sur les murs et emplissant le lieu de leur énergie débordante.

Il se rendit dans le bureau de la directrice qui se trouvait au premier étage pour se renseigner sur ce qui se passait. Il frappa une première fois à la porte puis après quelques secondes, il frappa de nouveau alors que le silence inquiétant pesait toujours. Sa deuxième tentative ayant elle aussi été infructueuse, il entra sans ménagement et comprit tout de suite ce qui n’allait pas. La directrice, une femme dans la force de l’âge, était allongée à même le sol, baignant dans son propre sang. Le fait que le sang soit séché indiqua à Nenato que le crime n’avait pas été commis le jour-même mais le fait que le corps soit toujours là montrait qu’il était quand même relativement récent.

Nenato déploya sa magie dans tout l’orphelinat dans l’espoir de trouver un survivant. Il espérait que certains enfants aient réussi à se cacher de peu importe qui avait commis le crime. La carte mentale qui se dessina dans sa tête ne lui indiqua malheureusement qu’un seul signe de vie dans l’une des pièces de l’étage. Tout en se dirigeant vers l’endroit, il fouilla les autres pièces, des chambres, de chaque côté du couloir. Elles se révélèrent toutes vides comme si les enfants avaient été kidnappés.

Il arriva enfin dans celle où il avait senti la lueur de vie. Soit les malfaiteurs ne possédaient pas de sort de détection, voir pas de magie du tout mais dans ce cas-là, ils avaient été négligents. La réalité était tout autre. Il découvrit une petite fille âgée d’une dizaine d’années tout au plus allongée sur le lit. Elle semblait souffrir terriblement et lorsqu’il s’approcha, il constata qu’elle était malade. Pas n’importe quelle maladie, l’une des plus ravageuses de tous les univers, une maladie peu contagieuse mais qui ne laissant aucune chance à ses victimes. Elle s’attaquait directement à la magie de la personne infectée, la dévorant petit à petit jusqu’à ce qu’il n’en reste plus une trace avant d’évoluer pour devenir létale pour le porteur.

Les fines lignes sombres sur le visage de l’enfant étaient l’un des symptômes les plus visibles de l’infection et indiquaient qu’elle s’approchait de la phase finale. C’était la raison pour laquelle les ravisseurs ne l’avaient pas emmenée avec les autres enfants, la peur de la contamination. La jeune Arasienne était dans un état second si bien qu’elle n’avait pas réagi lorsque Nenato était entré dans la chambre, pas plus quand il la prit délicatement dans ses bras et s’en retourna chez lui.

Il voulait faire payer à ceux qui avaient osé kidnapper des enfants mais en premier lieu, il devait mettre cette pauvre jeune fille à l’abri. Il ne craignait pas d’être infecté car il était déjà atteint par cette maladie qui lui avait été inoculée volontairement. Cette fois-ci, le trajet fut nettement plus rapide alors qu’il usait de sorts de téléportation. Il n’était plus d’humeur à admirer le paysage aussi beau soit-il.

Une fois dans sa grotte, il se dirigea vers la pièce à vivre et déposa son précieux bagage sur le lit. Après avoir installé une protection autour du lit afin qu’elle ne tombe pas si des cauchemars l’assaillaient, il retourna dans son atelier afin de penser à ce qu’il pouvait faire pour lui permettre de profiter des derniers instants de sa vie. La maladie était aussi terrible qu’incurable. Il ne le savait que trop après avoir parcouru de nombreux univers à la recherche d’un remède.

Son regard parcourait les murs de son atelier alors qu’il réfléchissait et s’arrêta sur un morceau de Soul Steal qui commençait à être pris par la poussière. Le morceau de métal était là depuis si longtemps qu’il en avait presque oublié son existence. De multiples fois par le passé il avait tenté de le forger mais le métal s’était refusé à lui. Le bloc brut était une demi-sphère allongée sur un des bords pas plus gros que sa tête. Il s’en saisit, le tourna dans ses mains et sut ce qu’il avait à faire.

Sa nouvelle protégée ne se réveillerait pas avant quelques heures, aussi il emprunta sans hésiter son passage secret qui le mena vers un téléporteur de grande envergure. Ses nombreux voyages lui avaient permis de rencontrer moult savants avec qui il avait pu échanger et ainsi construire un appareil permettant de se téléporter d’un univers à l’autre. Cet appareil avait cependant une restriction majeure, il ne pouvait transporter son utilisateur que de son point de départ à la station orbitale servant de quartier général aux mages multivers ou inversement. Seuls quelques exemplaires de l’engin avaient été créés car la consommation d’énergie engendrée par son activation était astronomique et pourrait mettre n’importe quel fournisseur d’énergie à l’abri pour au moins trois générations.

Etant l’un des inventeurs, il possédait naturellement son exemplaire et il s’en servit pour se rendre à la station. Il réapparut dans une salle annexe de la guilde. Normalement, toute personne extérieure à la station ou la planète en dessous d’elle devait subir un contrôle à son arrivée mais le téléporteur étant très peu utilisé, personne n’était présent pour effectuer ledit contrôle. Sans plus attendre, il activa une seconde fois le téléporteur pour se rendre chez un ami de longue date sans se douter qu’il venait de provoquer une syncope à la personne chargée de surveiller la consommation d’énergie de la station.

L’univers dans lequel il se rendait était très avancé technologiquement et peuplé d’esprits pratiquement intangibles. Leur fascination pour les autres formes de vie les avaient conduits à créer des réceptacles capables de les accueillirent et ressemblant aux races qu’ils avaient croisées. Un véritable commerce de l’apparence s’était créé et nombreux étaient les habitants de ce monde qui possédaient plusieurs enveloppes physiques. Pour eux, ces corps de substitution étaient comme les habits sur Terre, un moyen de montrer sa richesse.

Au fil des ans, les modèles étaient devenus de plus en plus sophistiqués si bien qu’il était difficile de les distinguer des vrais membres de la race qu’ils copiaient. De plus en plus d’options étaient disponibles sur les modèles nouvellement sortis des ateliers de design amenant certains esprits à penser que tout cela allait trop loin et que ces options dénaturaient les races imitées.

Lorsqu’il réapparut dans le laboratoire de son ami, celui-ci était en train de réaliser des tests sur le dernier modèle de sa création. Waron Berguille était l’un des créateurs de réceptacle les plus respectés sur sa planète et avait grandement contribué à leurs améliorations pour les rendre « plus vrai que vrai » selon ses dires. Il était actuellement sous une forme de Roarien, sorte de sphère verte gélatineuse d’une cinquantaine de centimètres de circonférence.

Il interrompit ses travaux lorsqu’il vit son ami forgeron émerger du téléporteur. Il s’approcha, prêt à demander des nouvelles, pour parler de la pluie et du beau temps mais marqua un petit temps d’hésitation en remarquant les marques de la maladie sur son visage bien qu’il n’ait rien eu à craindre du fait qu’il ne possédait pas de magie. De tout manière Nenato était pressé par le temps qu’il restait à la petite aussi fît il des salutations brèves avant d’exposer sa requête à Waron.

Il lui demanda s’il pouvait lui fournir un corps synthétique d’Arasienne fonctionnel pour un âge d’environ dix ans avec comme option qu’il pouvait grandir et se développer comme un corps naturel en même temps que l’esprit qu’il allait accueillir. Le corps en question devait aussi être capable de permettre l’utilisation de la magie naturelle des Arasiens.

Malheureusement pour lui, les Arasiens étaient une des rare races que les esprits n’avaient pas encore rencontrées donc Waron ne pouvait accéder à sa requête. La jeune fille n’avait pas devant elle le temps requis pour qu’il puisse le développer. La morphologie des Arasiens était assez similaire à celle des humains. Nenato demanda donc la même chose avec un corps humain en ajoutant quelques options qui permettraient à sa protégée d’être moins déboussolée dans son nouveau corps.

Waron passa en urgence un appel à la boutique se trouvant au rez-de-chaussée du bâtiment abritant son laboratoire et une poignée de minutes plus tard, un corps humain lui fût apporté, correspondant aux demandes initiales de Nenato. Il allongea le corps sur une table de travail et s’attela à y appliquer les modifications nécessaires. Il augmenta la perception des cinq sens pour qu’elle corresponde au mieux à ce que lui décrivait Nenato, fit en sorte que le corps puisse utiliser la magie de manière générale sachant par expérience que ceci s’adapterait à la magie de la jeune fille par lui-même et ajouta une petite touche personnelle pour soulager quelque peu son ami qui n’avait aucune expérience pour s’occuper d’enfant. A l’exception d’un membre coupé, des nano robots guériraient les blessures que l’enfant pourrait subir.

Ils placèrent ensuite précautionneusement le morceau de Soul Steal à la place du cerveau dans le réceptacle puis après avoir payé, plus précisément après avoir insisté pour payer alors que Waron refusait son argent, Nenato reprit le portail en sens inverse avec son précieux colis et retourna au plus vite vers sa nouvelle protégée.

 

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