Le feu embrasait la jungle environnante. Les sorts de Lir et Arthy pleuvaient sans interruption. Des formes humanoïdes se distinguaient à travers les rideaux de flamme. Une branche noueuse émit un craquement avant de s’effondrer au sol, à moitié consumée. Des cendres encore rougeoyantes s’envolèrent, et quelques unes vinrent lui roussir les poils de barbe.
C’était le genre de situation auquel on ne se faisait jamais, surtout après tout ce temps. Leur course était désordonné, les nombreuses racines autant de pièges où leurs pieds pouvaient se perdre rendait la chose chaotique. Ilgamir ahanait, peu habitué à fournir des efforts de concentration aussi importante en courant pour sauver sa peau. De la sueur s’écoulait de son front pour descendre dans ses yeux avant de s’évaporer grâce à l’inferno qui faisait rage. À gauche puis à droite, il esquivait les obstacles. Parfois, il pensait reconnaître un de ses soldats alors qu’il sautait au dessus de formes cachées à ses yeux par la fumée. Devant lui, une torche enflammée s’abattit sur Lir qui s’effondra au sol. Ilgamir ne ralentit pas, donnant à peine un coup d’oeil au magicien et Kathlyn qu’il avait entrainé dans sa chute. Il accéléra pour rattraper Arthy, vers le point le plus chaud du brasier. Sa vision était trouble et il ne remarqua le temple qu’une fois arrivé devant les escaliers. Arthy toussait abondamment, à demi assis sur les marches pendant que Myli lui tapait dans le dos.
“Elor est là-dedans avec la princesse indiqua Myli d’un geste de la main.
— Bien, grommela Ilgamir, attendez les autres, s’il en reste, et retardez les Sylvres au mieux. Arthy, dès que tu sens l’activation du portail, vous rappliquez tous.”
Arthy acquiesça et Ilgamir gravit les marches du temple deux à deux. Il poussa la double porte d’un coup de pied, la lueur verte du dôme éclairant la salle principale. Elor gisait aux pieds de la princesse démone. Derrière eux, se dressait un autel couvert de runes. Sans doute les vestiges d’un artefact uzorien. Ilgamir vint placer sa main devant la bouche d’Elor, puis de Pelagia.
“Ils respirent dit-il dans un soupir de soulagement puis il secoua Elor pour le réveiller.
— Allez, réveille toi mon garçon !
Elor se leva en sursaut, manquant de renverser son oncle.
— Mon oncle ?
— Bravo mon garçon, tu as réussi. Viens; lève toi, j’ai besoin de toi pour activer le portail.
— Pourquoi moi ? Je n’en ai jamais vu auparavant.
— Justement, c’est le moment d’apprendre. Place tes mains, sur l’autel derrière toi.
Elor se leva et se positionna face à l’autel. Il approcha ses mains de façon hésitante avant de se retourner.
— Mais enfin, cela n’a pas de sens. Mon oncle n’a jamais eu besoin de moi pour ouvrir un portail et il n’aurait pas pris le risque d’attendre que je me réveille pour l’activer.
Une ombre passa sur le visage d’Ilgamir, vite remplacé par un sourire sans âme.
— Je vois que ton intelligence a le mérite de rattraper ta maladresse fit-il d’un ton narquois.
Elor eut un mouvement de recul devant l’inconnu qui arborait les traits de son oncle.
— Qui êtes vous?
— Que de questions, je me demande ce que je devrais répondre, hum…ah je sais! Je m’appelle…ah, c’est vrai je n’ai pas de nom. Cela perd son intérêt après quelques millénaires enfermées dans des ruines Uzoriennes. Non, ce qui devrait t’intéresser, c’est que ton oncle n’a pas perdu qu’un homme avant son arrivée dans ce donjon.
— Que voulez vous dire…
— Il était à la limite de la mort, errant dans les limbes, ni vivant, ni mort quand j’ai pris possession de son corps. C’aurait été le réceptacle parfait pour briser le sceau qui me retient, juste là derrière toi. Malheureusement, le corps séparé de son âme a perdu ses attributs Gildonien. Plus de négation de magie. C’est là que tu interviens, mon garçon. Toi seul ici présent peut briser le sceau.
— Qu’est-ce que je gagne dans tout ça? Que se passe t-il après que je brise le sceau? Je vous libère et quoi? Les sylvres nous anihilerons.
— Tu as tout à gagner, mon garçon. Si je quitte ce corps, l’âme de ton oncle pourra le réintégrer. Quant aux Sylvres, ce ne sont que des insectes devant moi. Je t’en débarrasserais, vois ça comme une faveur.”
C’est à ce moment là, alors que l’emprise de Cauchemar sur Pelagia augmentait à mesure qu’il se rapprochait du temple que la démone se réveilla, les yeux teintés d’un voile d’encre. La princesse possédée renversa Elor, qui se rattrapa, les deux mains appuyées sur l’autel.
Un nuage noir sortit du corps d’Ilgamir alors qu’une voix sans âge s’écria dans une langue alien:
“Oh YEAH baby, Chaos is Back !”